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l’Hydroptère DCNS en mode météo : entretien avec Jacques Vincent

Depuis trois semaines l’Hydroptère DCNS est en stand-by à Los Angeles. L’équipage attend une première fenêtre météo favorable pour s’élancer vers Honolulu. Le trimaran volant est paré au décollage et c’est désormais du côté d’Éole que tous les regards sont tournés. L’occasion de faire un point théorique avec Jacques Vincent, co-skipper du bateau, pour appréhender cette donnée primordiale dans un record : la météo.

Quel est le principal paramètre météo pour déclencher le départ ?

 » Nous visons une position idéale de l’anticyclone du Pacifique Nord. Nous surveillons l’évolution de ses déplacements. Idéalement, l’anticyclone doit être le plus au Nord avec si possible un léger décalage vers l’Est ou vers l’Ouest. Cela nous permettrait d’être au plus proche de la route directe vers Honolulu et de nous offrir de bons angles d’empannages pour l’approche des îles. De ces scénarios, nous préférions celui où l’anticyclone est décalé à l’ouest. Cela garantirait des vents moins forts le long des côtes californiennes et donc une houle plus modérée sur le premier quart de la traversée.  »

Quel est le schéma attendu de la traversée ?

 » Le jour J, nous quitterons le port vers midi, le vent sera faible mais on sait qu’une brise thermique devrait se lever vers 14h, normalement elle sera suffisamment forte pour nous dégager de la côte et nous permettre de parer efficacement l’île de Catalina, le premier obstacle de la traversée.

Au large de Catalina, nous accrocherons un flux de Nord-Ouest, qui est en bordure Est de l’anticyclone du Pacifique Nord. Au fur et à mesure que nous nous éloignerons de la Californie, ces vents de Nord-Ouest tourneront vers la droite, c’est-à-dire qu’ils passeront au Nord puis au Nord-Est.

En milieu de parcours, le vent faiblira un petit peu en passant à l’Est, nous faisant faire un bord qui remontera légèrement au-dessus de la route directe, dans son nord. Aux trois quarts, il faudra envisager un empannage qui nous écartera du centre de l’anticyclone et des vents trop faibles, direction le Sud-Ouest vers les îles. Au cours de ce bord, le vent continuera à tourner à droite, nous permettant de suivre une route directe vers notre destination.

A l’approche d’Hawaï, le vent s’orientera dans le sens des canaux, entre les îles, en forcissant et en levant la mer. Ça sera sans doute la partie la plus délicate de la traversée avec le fameux “Molokaʻi Channel”, le canal au bout duquel se situe la ligne d’arrivée.  »

Avez-vous une idée générale des vitesses sur chacune de ces portions ?

 » Au départ, jusqu’à l’île de Catalina nous serons au près, je pense autour de 18 nœuds de vitesse avec peut être un bord à tirer pour la dépasser. Après Catalina, nous devrions filer à 25 nœuds de moyenne. A 150 miles de Los Angeles, nous serons plutôt autour des 30 – 35 nœuds. Pour finir, au fur et à mesure que le vent tournera vers la droite en nous faisant passer au portant, nous devrions repasser à 25 – 30 nœuds de vitesse.  »

Si vous deviez quantifier l’impact du choix de la fenêtre sur les chances de réussite du record ?

 » Primordial ! C’est la météo qui permet d’exploiter le potentiel du bateau.  »

Quel est le dispositif de veille météo dans l’équipe, comment vous organisez-vous?

 » Dans l’équipage, Yves Parlier et moi-même sommes en veille météo permanente. Alain, Jean et Luc effectuent également des routages de leur côté et nous transmettent régulièrement leurs remarques.

Pour l’instant, pendant le stand-by, la veille repose en grande partie sur des modèles de calcul assez pointus. Nous faisons tourner des routages informatiques en permanence et dès que les résultats commencent à avoisiner le temps de référence du record, nous étudions plus précisément les possibilités de départ.

Pendant le stand-by, nous sommes épaulés par Christian Dumard (Great Circle/TVSailing News) un routeur professionnel. Sur la période de record il sera également en veille, en liaison directe avec l’Hydroptère DCNS.

D’un point de vue plus technique, pour la partie informatique, nous faisons tourner les polaires* du bateau sur les modèles américains (GFS) et européens (CEP). Pour la zone de départ nous utilisons les fichiers COAMPS fournis par Saildoc. Quand les 2 modèles convergent vers une même période de départ il y a une bonne probabilité pour que cette fenêtre soit bonne.  »

*polaires : vitesses théoriques d’un voilier en fonction d’un angle et d’une force de vent donnés

Pourquoi avoir choisi ce timing pour venir en Californie ?

 » Le timing idéal débute à la mi-juin, couvre juillet et se referme courant août/début septembre. L’été, l’anticyclone remonte au Nord, les dépressions deviennent plus rares. Ces conditions météorologiques permettent de faire une route plus directe vers Hawaï sans être perturbés par une houle venant du Nord. Le deuxième autre facteur favorable est le vent thermique qui est bien actif à cette période.  »

Quelles ont été les fenêtres jusqu’ici ?

 » Nous avons pu observer de très bonnes fenêtres durant les premiers jours de juillet et depuis plus rien de solide. Ce sont les aléas du métier.  »

Et les fenêtres à venir ?

 » Nous ne désespérons pas, avec un peu de chance une fenêtre peut encore s’ouvrir d’ici fin août. Sur nos fichiers, nous avons une visibilité de 10 jours. En tout cas pour l’instant, nous sommes concentrés à 100 % dans les routages, l’Hydroptère DCNS est prêt à décoller.  »

Jacques Vincent est le co-skipper depuis 2002 d’Alain Thébault sur l’Hydroptère. Il compte à son actif 29 Transatlantiques et 8 tours du monde dont deux Trophées Jules Verne, deux Volvo Ocean Race et The Race.

Crédit Photo : Francis Demange

Tags sur NauticNews: Hydroptère DCNS

– CP –

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