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Francis Joyon revient sur l’année 2017

Le skipper d’IDEC SPORT s’exprime sur la prochaine Route du Rhum et la question de l’asservissement des foils

Pour Francis Joyon, la saison 2017 a débuté par un exploit retentissant, le record du Trophée Jules Verne à bord d’IDEC SPORT, en 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes. Observateur aguerri, longtemps solitaire le plus rapide de la planète, Francis est également bien placé pour analyser l’impressionnant record établi dimanche dernier par François Gabart. Alors qu’une prometteuse année 2018 s’annonce, avec comme rendez-vous majeur la mythique Route du Rhum, Joyon exprime son opinion sur la question de l’asservissement des foils sur la prochaine Route du Rhum-Destination Guadeloupe… Entretien.

Le 27 janvier 2017, tu améliorais avec ton équipage le record du Trophée Jules Verne. Avec le recul, quel regard portes-tu sur cette performance ?
« Elle me réjouit. Je suis fier qu’avec notre « petit » bateau et notre équipage réduit, nous ayons réussi à battre ce record. La satisfaction est d’autant plus grande que nous avions auparavant effectué plusieurs tentatives infructueuses. Ce succès en équipage est très différent de ceux que j’ai pu connaître en solitaire, c’est comme si j’avais commencé une deuxième carrière. Je garde de très bons souvenirs de cette expérience. Notre équipage n’était pas composé de mercenaires, mais de gars responsables qui avaient tous mené leurs projets respectifs auparavant et qui connaissaient la musique. L’engagement moral et physique de chacun d’entre nous a été maximum pour arriver à un tel résultat. »

Comment juges-tu la récente performance de François Gabart, nouveau détenteur du record autour du monde en solitaire ?
« On prend un coup au moral quand François, avec un bateau plus récent, se rapproche sérieusement de notre record absolu en équipage (rires). Si nous n’avions pas conquis le Trophée Jules Verne sur IDEC SPORT en début d’année, François aurait réalisé le meilleur temps de l’histoire, équipages compris ! C’est exceptionnel, d’autant plus pour une première tentative. J’avais bien imaginé que François battrait le record de Thomas Coville, mais pas avec une telle avance. Cette année j’ai régaté contre François sur The Bridge (entre Saint-Nazaire et New York) et j’ai pu constater tout le potentiel de son trimaran qui a l’air magique. Pour son record autour du monde, François a adopté une approche intelligente, sans se mettre de pression. Et il a parfaitement navigué. Nous sommes désormais quatre à avoir bouclé le tour du monde en solitaire en multicoque, après moi, Ellen MacArthur, Thomas Coville et François Gabart. »

Tu as été longtemps et par deux fois détenteur de ce record (en 2004-2005 puis de 2008 à 2016, en 57 jours et 13 heures). Comment analyses-tu cette évolution actuelle très rapide des records ?
« Elle est logique. Les bateaux progressent énormément. Entre mon ancien trimaran IDEC et le Sodebo Ultim de Thomas Coville, le différentiel de vitesse est d’environ 20 %. La performance de Thomas l’an dernier ne m’a donc pas étonné. Sur le Macif de François Gabart, le potentiel augmente encore et le record s’améliore. Et bientôt les bateaux volants s’y attaqueront. Les performances vont encore grimper. La connaissance météo évolue aussi et le niveau des marins est excellent. Tout pousse à croire que les records seront à nouveau battus dans les années à venir. »

Un mot pour Yves Le Blévec qui a chaviré au large du cap Horn lors de sa tentative du tour du monde à l’envers…
« Yves est notre voisin de ponton à la Trinité-sur-Mer. Lui aussi a fait preuve d’un engagement formidable, prenant beaucoup de risques. Son parcours est beau, même s’il se solde par une grande déception. J’ai connu des échecs, des chavirages, des démâtages. Je suis bien placé pour savoir que surmonter ces moments difficiles permet d’en connaître des meilleurs par la suite. Yves saura se relever. »

Projetons-nous sur la saison 2018. Le premier grand rendez-vous sera Nice UltiMed. Quels seront tes objectifs sur cette épreuve ?
« L’objectif principal est de mettre à profit les convoyages et le parcours de l’épreuve en Méditerranée pour valider tous les changements effectués en chantier cet hiver. Nous menons un travail de fond avec les nouveaux safrans et plans porteurs ainsi que les foils transformés, qui vont améliorer les performances du bateau. Nous changeons également les rails et charriots de grand-voile et installons des pilotes performants en vue de la Route du Rhum en solitaire. Plus anecdotique, nous réinstallons aussi le fameux vélo utilisé par Franck Cammas sur ce même bateau, qui s’appelait à l’époque Groupama 3. »

Comment envisages-tu la Route du Rhum, l’événement majeur de ta saison en 2018 ?
« Je souhaite prendre le départ avec un bateau rapide, léger et fiable. Le plateau sera impressionnant, avec notamment les nouveaux bateaux volants. Cela m’intéresse énormément de me confronter à eux. Ce ne sera pas simple mais je compte bien tirer mon épingle du jeu grâce à des options météo, et peut-être un peu plus de fiabilité que les autres. Le solo a tendance à réduire les différences de potentiel entre les bateaux. »

La question se pose pour le Rhum d’autoriser ou non l’asservissement des foils. Quel est ton point de vue à ce sujet ?
« Certains teams demandent un système d’asservissement des foils, qui permettrait de les régler automatiquement. Je suis contre pour des raisons d’équité sportive et j’ai écrit à la Fédération Française de Voile pour donner mon avis. Autoriser l’asservissement à moins d’un an de la Route du Rhum serait une profonde injustice. Il faut respecter la flotte des bateaux existants, ne pas privilégier certains teams par rapport à d’autres qui n’ont pas eu le temps de développer cette technologie. A terme, je ne suis pas fondamentalement contre le principe de l’asservissement. Mais il faut mener une vraie réflexion et l’énergie nécessaire ne doit en aucun cas être fournie par des moteurs diesel qui tourneraient probablement en permanence. Nous devrons privilégier les énergies renouvelables : éoliennes, panneaux solaires, hydrogénérateurs. Notre force est de nous déplacer à la voile. Un jour, il n’y aura plus de pétrole alors autant anticiper. Continuer à faire tourner des moteurs thermiques ne va pas dans le sens de l’évolution du monde. Alors soyons exemplaires ! »

Comment envisages-tu la Route du Rhum, l’événement majeur de ta saison en 2018 ?
« Je souhaite prendre le départ avec un bateau rapide, léger et fiable. Le plateau sera impressionnant, avec notamment les nouveaux bateaux volants. Cela m’intéresse énormément de me confronter à eux. Ce ne sera pas simple mais je compte bien tirer mon épingle du jeu grâce à des options météo, et peut-être un peu plus de fiabilité que les autres. Le solo a tendance à réduire les différences de potentiel entre les bateaux. »

Crédit Photo : Jean-Marie Liot / DPPI / IDEC

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