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Vendée Globe: un Noël sous pression

Noël ou pas, la météo des mers du Sud ne laisse guère de répit aux solitaires du Vendée Globe. En tête, les deux inséparables vont être confrontés à la négociation d’une zone de transition complexe, générée par l’intrusion d’une petite dépression tropicale venue du nord et semant la confusion dans le train de régimes perturbés qui balaient les cinquantièmes. Pour Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) comme François Gabart (MACIF), il va falloir faire des choix radicaux, entre tentative de passer au plus court ou accepter un détour conséquent par le nord de ce petit centre dépressionnaire. Les deux leaders qui depuis quinze jours, ne se sont pas quittés d’une semelle, vont-ils avoir la même analyse de la situation ? Réponse dans les prochaines heures… Toujours est-il que cette situation inédite pourrait provoquer la première fracture stratégique entre les deux hommes de tête depuis le passage de la porte de Crozet. Une situation pas forcément totalement confortable, alors que le cap Horn se profile à l’horizon d’une semaine de course, quand on sait l’avantage psychologique que procure le fait de virer le « cap dur » en tête.

Des raisons d’espérer
Cet avantage-là, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) tente de le relativiser. Son souhait, à la faveur des prévisions à venir, serait de pouvoir arriver au cap Horn avec un déficit de moins de 200 milles sur les deux hommes dans sa ligne de mire. L’Atlantique Sud offre tant de zones de transitions, de variables météo, que le navigateur niçois se dit qu’il conserverait alors toutes ses chances pour une éventuelle victoire aux Sables d’Olonne. En attendant, JP, comme le surnomment ses proches, fait contre mauvaise fortune bon cœur. Noël dans un habitacle de carbone, quand on a choisi de faire d’une certaine forme d’austérité monacale un critère de performance, n’est pas forcément le jour le plus facile à vivre. Derrière lui Alex Thomson (Hugo Boss), condamné au silence radio, ne lâche pas la cadence.

Un autre qui a des raisons d’y croire, c’est bien Jean Le Cam. Le skipper de SynerCiel reste fidèle à sa ligne de conduite : ne jamais oublier les petits plaisirs de l’existence et se fier à ses sensations. Ainsi les logiciels de routages donnaient une route au sud des îles d’Auckland, mais Jean a préféré suivre son intuition et passer au nord. Bien lui en a pris, puisqu’il se serait trouvé sur le trajet du centre de la petite dépression qui descendait de la mer de Tasman et qu’il aurait affronté alors des vents violents de face, alors que les conditions qu’il a rencontrées étaient certes difficiles mais encore maniables. Mine de rien, le dauphin du Vendée Globe 2004-2005 se hisse à une solide cinquième place, profitant des soucis de Bernard Stamm. Le skipper de Cheminées Poujoulat continue, quant à lui, sa route vers la Nouvelle-Zélande où espérant des conditions moins brutales, il pourra finir de réparer dans la douceur océane du val de Dunedin.

Super héros ordinaires
Derrière les six premiers, le groupe des poursuivants s’est fait quelques chaleurs avec cette petite dépression venue des latitudes australiennes. A l’arrière de son centre, le groupe Mike Golding (Gamesa), Dominique Wavre (Mirabaud) et Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) s’est cru un moment contraint de devoir affronter des vents contraires particulièrement violents. Aucun n’ayant l’âme d’un Batman affrontant les puissances du mal, tous ont cherché leur salut dans des stratégies prudentes, cherchant à gagner dans le nord et préférant voir le centre dépressionnaire passer devant leur étrave. Encore dans l’océan Indien, Arnaud Boissières (Akena Vérandas), Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) ont profité des vents d’ouest pour allonger la foulée. Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) s’apprête, pour sa part, à subir les effets d’une dépression particulièrement puissante qui s’annonce dans son ouest. Une manière très concrète d’être sous pression.

Ils ont dit

Dominique Wavre (SUI, Mirabaud) : (Au sujet de Noël) C’est important même s’il n’y a pas de pause pour Noël. Pour le moral ça fait du bien de penser à la famille, aux amis. C’est une petite parenthèse affective et émotive agréable car l’Indien a été rude. De plus, le repas était très bien. Je l’ai vite avalé. Ça m’a fait du bien. J’ai eu une petite visite en fin de journée : des dauphins. Ils sont venus faire une course de vitesse avec le bateau. C’était absolument superbe. L’impression était formidable et les dauphins ont des accélérations incroyables. Je pense qu’ils sont capables d’aller beaucoup plus vite entre eux qu’ils ne l’étaient avec Mirabaud.

François Gabart (FRA, MACIF) : Je suis convaincu que les portes amènent plus de situations tactiques qu’autre chose. Là, il y a une dépression qui arrive et qui peut créer des décisions tactiques différentes. Ça va être intéressant. On est à sept à huit jours du cap Horn. Il y a cette petite dépression qui arrive par le nord. Après on a l’air d’être dans un flux de nord ouest avec 20-30 nœuds, mais sans trop de mer. Mais on a le temps, les conditions n’ont pas l’air trop mal jusqu’au cap Horn, mais il faudra rester méfiant.

Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac Paprec 3) :
J’ai eu ma famille. Ça fait plaisir d’avoir un peu tout le monde car Noël tout seul dans un bateau en carbone, ce n’est pas la joie. Ça manque de chaleur, d’humain. Ce n’est pas pareil que chez soi au coin du feu. Je ne pense pas qu’on puisse arriver ensemble (avec Armel et François) au cap Horn. Mon objectif est d’être 200-300 milles derrière au max. Plus, ça fait beaucoup. Mais bon tout peut arriver. On a eu l’exemple de Michel Desjoyeaux et Ellen Mac Arthur. Il faut avoir un coup à jouer et j’espère l’avoir.

Jean Le Cam (FRA, SynerCiel) : J’ai bien fait d’anticiper Noël car je savais que le 24 décembre, ce ne serait même pas la peine. Le réveillon n’a pas été de tout repos. Juste devant le front, il y avait des vents qui sont passés de 14 à 25 nœuds. Du coup, roulage déroulage et prise de tête. On était condamné à réfléchir.
J’ai quand même assisté à la formation de cette dépression. C’était bizarre, à la Hitchcock. C’est glauque à mort.

Sinon, au niveau classement, j’ai fait l’opération du siècle. C’est pire que le hold-up de Saint-Tropez. C’est un truc de malade

Crédit Photo: Armel Le Cléac’h / Banque Populaire

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– CP –

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