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Olivier Martin : La culture du nautisme

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04/2009 –

Olivier Martin dirige ACNaut, une agence de conseil et de formation qu’il a créée en 2004. Il met au service des industriels sa connaissance du marché du nautisme dans lequel il évolue avec succès depuis plus de 30 ans. NauticNews.com l’a contacté pour qu’il nous parle de son activité. Comme son parcours est éloquent et que ses analyses sont pertinentes, nous avons profité du long entretien qu’il nous a accordé, pour le questionner sur la crise et sur le marché de la plaisance qu’il connaît si bien. En effet, de 1978 à 1992, il s’occupe pour Bénéteau et Jeanneau du développement d’agences en Méditerranée et en Atlantique. Il rejoint ensuite Olivier Poncin qui a pris les rênes de Dufour en 1988. Il crée Dufour Occasions et tisse un réseau unique en France qui fera un chiffre d’affaire annuel de 15 millions d’Euros en moyenne. Nommé ensuite Directeur Commercial France, Olivier Martin aura contribué à ce que Dufour, qui a absorbé de nombreux chantiers en difficulté comme Dynamique Yachts, ACM et Gibert Marine, redevienne un chantier généraliste. Les effectifs sont passés de 100 personnes en 1992 à plus de 900 seulement 6 ans plus tard. Et en 2004, lorsqu’Olivier Martin crée ACNaut, Dufour est un chantier qui se porte très bien.

NauticNews.com : Olivier Martin, pouvez-vous nous parler d’ACNaut ?

Olivier Martin : ACNaut est une agence de conseil et de formation que j’ai créée en 2004. J’organise des formations commerciales à La Rochelle pour des repreneurs d’entreprises et des commerciaux qui généralement ne viennent pas du nautisme. J’ai aussi des entreprises nautiques qui m’envoient des commerciaux pour faire une sorte de piqûre de rappel. De plus, j’interviens régulièrement à l’Institut Nautique de Bretagne de Concarneau principalement dans le domaine de l’occasion. Je forme les stagiaires pour la vente et je les drive sur le salon du début de saison du Crouesty.

NN. : Il y avait un manque dans le domaine de la formation ?

O.M. : Tout à fait. La preuve en est que de la formation, j’ai développé le recrutement. La particularité de mes formations vient des nombreux intervenants, des différents métiers qui parlent du terrain. Et comme je fais aussi du conseil dans les sociétés, je suis en relation directe avec les employeurs. Ainsi, j’ai l’avantage de connaître à la fois les différents acteurs du nautisme, et à la fois, grâce à mon parcours, le marché. C’est pourquoi, il y a 2 ans, j’ai développé un groupement inter-nautisme où interviennent un juriste et un spécialiste de la transmission d’entreprise car c’est un secteur extrêmement important.

NN. : En quoi est-ce si important ?

O.M. : La majorité des affaires se sont créées dans les années 70. Aujourd’hui, les propriétaires arrivent en fin d’activité professionnelle et les repreneurs potentiels ne connaissent généralement pas la spécificité de notre secteur. Ainsi quand une grosse concession se vend, je vais faire un audit, réorganiser les services, recruter s’il y a besoin afin d’orienter le repreneur. Par ma connaissance et mes réseaux, celui qui fait appel à moi ne sera pas perdu pour monter son business-plan. Je lui transmets la culture du nautisme. J’interviens dans toute la France, et il y a même des étrangers qui s’inscrivent à mes formations afin de voir ce qu’on peut faire dans le nautisme. C’est très intéressant. Et je dirais même indispensable par ce que c’est un secteur qui a une manière de fonctionner très particulière.

NN. : Pouvez-vous nous parler des particularités du nautisme ?

O.M. : Je peux parler de l’occasion qui est un domaine que je connais bien. J’ai monté chez Dufour un centre d’occasions où on faisait en moyenne 15 Millions d’Euros de Chiffre d’Affaire annuel. C’est un marché très particulier. Il est un peu faussé car les propriétaires demandent assez cher, généralement pour des raisons affectives, et aussi par ce qu’en France, 50% des transactions se font entre particuliers. C’est le cas surtout pour les voiliers, le marché du bateau à moteur est plus proche de celui de l’automobile. Les concessionnaires sont ainsi obligés de faire des bons prix. Et comme désormais les bateaux neufs sont moins chers, ils entrent en concurrence directe avec ceux présents sur le marché de l’occasion. Depuis 2 ans, ces concessionnaires ont un problème de reprises, et ont trop de stocks. Cependant, il semblerait que le marché de l’occasion soit en train de se réveiller même s’il y aura au final une baisse du Chiffre d’Affaire.

NN. : Comment évolue ce marché ?

O.M. : Sur 15 ans, on s’aperçoit que l’on vend des bateaux de plus en plus gros car on suit le client qui augmente progressivement en taille. Quand ce client approche de la retraite, il a moins de charges, il n’a plus de traites par exemple, ou ses enfant sont grands. C’est pourquoi les 55/65 ans représentent la majeure partie des acheteurs de gros bateaux. En Atlantique, il y a 10 ans, il n’y avait pas de 40 pieds. Et depuis 2 ou 3 ans, on vend moins de bateaux mais de taille supérieure. Les chantiers aussi produisent moins mais plus gros, c’est la grosse tendance. Aussi, depuis 10 ans, le domaine des bateaux transportables s’est énormément développé avec une grosse augmentation du marché ces dernières années. Le transportable est aujourd’hui assez abordable avec des packages, les bateaux sont livrés clef en main, apparus dans les années 90. C’est aussi une réponse au manque de places qui, même si des efforts ont été faits, reste un frein pour la reprise.

NN. : Comment analysez-vous la crise actuelle ?

O.M. : Je dirais que la problématique principale est que le marché de l’export, qui représente en moyenne 65% du Chiffre d’Affaire des grands chantiers français, s’est écroulé. C’est le cas notamment aux Etats-Unis, en Italie, en Espagne et en Grande Bretagne. On constate sur l’Europe, que c’est le marché français qui se porte le mieux avec des signes de reprises intéressants comme lors du Salon de La Ciotat. La France s’en sort un peu mieux car son industrie fonctionne bien. C’est le leader dans la fabrication de voiliers et cela lui donne une grande notoriété dans les pays étrangers. Mais comme je l’ai dit, les concessionnaires ont trop de stocks, ce qui est très coûteux. Je parle des grands constructeurs. Car actuellement les chantiers dits de « niche » sont moins touchés par la crise. Les constructeurs de voiliers de voyage comme Alubat [voir notre article sur l’OVNI 445] qui produisent dans les 50 bateaux par an ou Alliage qui travaille à la commande n’ont pas de problème de stocks.

NN. : Dernière question, comment voyez-vous l’avenir ?

O.M. : Aujourd’hui c’est la crise et c’est vrai qu’il y a un tassement des ventes. Mais certains secteurs d’activité résistent. Les chantiers de réparation et d’entretien, ainsi que les Shipchandlers, sont généralement épargnés. Et lors de la dernière assemblée de la F.I.N. [Fédération des Industries Nautiques, ndlr], les échos qui viennent des loueurs sont assez bons. Peut-être que justement cela va les favoriser, avec des propriétaires qui pourraient être amenés à mettre plus facilement en location. On a déjà connu des crises, moins violentes c’est certain, mais on n’empêchera jamais les gens d’avoir envie de naviguer car c’est une part de rêve qu’on enlèvera jamais. D’autant que l’on a toujours vu dans les moments difficiles un retour des achats-plaisirs.

Propos recueillis le 31 mars 2009.

-NG-

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