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Solitaire du Figaro : deuxième étape

Le départ de la deuxième étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire donné dimanche à 22h26, superbe dans les lumières couchantes d’un soleil rougeoyant et d’un lever de lune rousse, a dû être retardé d’environ trois heures pour attendre que le vent de Nord s’établisse enfin à une petite dizaine de nœuds. Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) prenait le meilleur départ en compagnie de Gildas Mahé (Interface Concept) et passait en tête la bouée de dégagement. Mais il fallait ensuite s’abriter, pour entrer dans la rade de Plymouth, du courant de marée descendante déjà puissant, soit derrière le brise-lames, soit en se déportant très à terre. Yoann Richomme optait pour la deuxième solution et prenait l’avantage quand Joan Ahrweiller (Région Basse Normandie) et Corentin Douguet (Un maillot pour la vie) talonnaient sur les roches de la digue : le Normand décidait ensuite d’abandonner suite à la rupture d’un renfort de quille structurel et d’une petite voie d’eau, route vers Roscoff…

La pointe du bout du monde

Sous spinnaker serré dans une brise d’une douzaine de nœuds, les 37 solitaires encore en course glissaient vers le cap Lizard où le courant se renversait défavorablement en milieu de nuit. Gildas Morvan (Cercle Vert) prenait le commandement en se calant sous le vent de la flotte à l’approche de Land’s End (pointe extrême de la Cornouaille britannique). Il fallait alors prendre une décision quant à la manière de se placer pour parer les rails de cargo (DST, zones interdites aux solitaires). Mais au vu des prévisions de Météo Consult confirmant une brise de Nord-Nord Est, l’option de passer au Nord des Scilly apparaissait la plus logique.

Le carnet de bord des routages (road book) indiquaient en effet qu’il fallait raser l’archipel par le Nord, laissant l’île de Saint-Martin et l’île Blanche sur bâbord, imposant d’affaler le spi pour passer sous génois…  Une autre voie était possible par le phare de Bishop en laissant ses roches dans le Nord, puis en continuant encore une vingtaine de milles pour contourner le DST le plus à l’Ouest, mais aucun concurrent ne voulut prendre le risque de se démarquer du pack… Un paquet qui s’étalait au fil des heures en raison des décalages temporels dus à la marée, qui ne faisaient qu’amplifier les écarts !

En mer Celtique
Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) qui talonnait le leader au passage du DST Scilly, prenait l’option de pointer plus haut sur ce bord de près pour déborder l’archipel : avec moins de courant contraire et un angle plus favorable, il reprenait les rênes suivi comme son ombre par Gildas Mahé et le premier « bleu » de La Solitaire, Sébastien Simon (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir). Les écarts étaient déjà conséquents (environ dix milles) lorsque les premiers choquaient de nouveau les écoutes après les Scilly, étraves enfin pointées vers le Fastnet distant de 150 milles.

La brise médium de Nord Est étant programmée stable jusqu’à une trentaine de milles de l’Irlande, la plupart des solitaires envoyait le spinnaker pour un travers serré quand d’autres en profitaient pour se reposer après cette courte nuit. Mais avec l’arrivée d’un ciel voilé voir nuageux, le vent montait d’un cran en revenant au Nord : les spis rentraient en soute au bout de deux heures…

Un haricot pimenté
A part quelques décalages latéraux qui se limitaient à six milles, toute la flotte progressait à plus de neuf nœuds de moyenne. A un peu plus de cent milles de la prochaine marque, la bouée Stags (à douze milles dans l’Est du Fastnet), il n’y a pas d’option stratégique en vue, le vent devant mollir à l’approche de l’Irlande au lever du soleil lundi. En effet, un anticyclone est installé sur l’Eire en forme de haricot et dans son creux, du côté du Fastnet, un minimum dépressionnaire s’est installé : la brise s’annonce très faible de secteur Est et il faudra alors faire du vent arrière ! De quoi pimenter les douze milles à effectuer vers le phare irlandais en provoquant une compression…

Car c’est l’importance géographique de cette molle et son intensité qui vont plus ou moins regrouper les 37 skippers encore en course au petit matin blême, les nuages bas voire la bruine risquant fort de plomber le ciel irlandais… Tous les solitaires vont devoir ouvrir leur carnet de route pour réviser leurs fiches météorologiques sur les effets de côte et les brises thermiques !

En  Bref
Joan Ahrweiller à Roscoff

Le skipper de Région Basse Normandie qui avait talonné à Plymouth, cassant plusieurs renforts structurels de la quille et provoquant une petite voie d’eau, est arrivé à Roscoff ce dimanche vers 15h00. Il doit prendre ses dispositions lundi pour sortir son Figaro Bénéteau 2 de l’eau et expertiser les dégâts. Le jeune Normand aura donc le temps de réparer son bateau pour le départ de la troisième étape dimanche 21 juin.

Ils ont dit…
Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) :

« Au lever du soleil, nous avions entre 10 et 15 nœuds de vent : c’était assez variable, mais la mer était assez calme. Nous étions sous spi jusqu’au cap Lizard et là, nous sommes repassés sous génois et ce, pour la moitié de la mer Celtique. Nous allons pouvoir « lâcher » un petit peu car jusqu’à présent c’était très technique. Nous avons attendu le vent pendant trois heures hier soir, il s’est pointé juste avant le coucher du soleil : la Direction de Course a bien géré, nous avons réussi à faire le petit parcours. Cela s’est très bien passé pour moi, j’ai fait un bon départ et une bonne remontée et j’ai réussi à passer en tête la bouée de dégagement. »

Joan Ahrweiller (Région Basse Normandie) : « J’ai voulu passer trop près de la digue qui ferme la baie de Plymouth et là j’ai talonné avec le bateau. Le choc a été un peu violent tout de même et je pense qu’il y a pas mal de dégâts : j’ai cassé les varangues à l’intérieur du bateau. Les varangues sont des renforts qui rigidifient la coque et l’une d’elles est décollée de 25 centimètres donc il y a de l’eau qui rentre. Je fais route vers Roscoff, je devrais y arriver en début d’après-midi ce dimanche. Je ne sais pas comment cela va se passer, il va falloir sortir le bateau de l’eau pour voir ce que l’on peut faire et il nous restera une petite semaine pour voir tout ça. Cela fait beaucoup je trouve ! C’est une erreur de ma part, sur la carte ça le faisait, mais j’aurais dû prendre peut-être un peu plus large… »

Alexis Loison (Groupe Fiva) :« Je ne me suis pas très bien placé cette nuit. J’étais dans un courant contraire et en fin de nuit, on s’en est écarté. Mais je n’ai pas encore choisi ce que je voulais faire. Je me suis fais embêté par un bateau au cap Lizard qui a voulu être à terre et m’a bloqué. Je n’ai pas réussi à me dégager de lui et j’ai perdu de la distance par rapport aux leaders. J’ai réussi à dormir un peu mais le vent était instable donc pas mal de réglages qui nous ont occupé. Je pense refaire une sieste très bientôt. »

Charlie Dalin (Normandy Elite Team) :« Je suis plutôt dans le tiers haut de la flotte. Tout le monde commence à essayer de profiter du vent pour descendre et faire une approche un peu plus incurvée sur le Fastnet. Il n’y a plus que 11-12 nœuds de Nord-Est. C’est un petit peu moins que prévu par rapport à ce que prédisait Météo Consult. Cela va mollir et plus on va s’approcher du Fastnet, plus ça va être le cas. Il fait très beau et très chaud, c’est agréable. Pour aller jusqu’au Fastnet, il peut y avoir des moments très mous, des zones de transition, ça ne va pas être facile. Il va falloir bien manger et surtout bien s’hydrater aujourd’hui. Ce sont des conditions où ce n’est pas très grave de perdre quelques dizaines de mètres, en revanche ce sera important d’être lucide en Irlande. »

Gildas Morvan (Cercle Vert) :« On a fait un super départ, j’ai trouvé ça très sympa, avec de belles conditions ; la mer plate, un vent de Nord qui rentre tout doucement. On est ensuite parti sous spi jusqu’à Lizard et au DST. C’était de super conditions pour aller vite. Toute la nuit, c’était un régal. Il fallait faire attention pour jouer sur la route, c’est ce que j’ai fait et bien m’en a pris. Les Scilly n’étaient pas faciles, j’ai fait l’extérieur du DST et j’ai perdu un peu. J’ai 15-18 nœuds de Nord-Est, la vitesse du bateau oscille entre 7 et 8 nœuds. Je n’ai pas trop dormi, mais je pense que je vais pouvoir en profiter dans les prochaines heures. »

Sébastien Simon (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir) :«  Pour le moment je suis assez satisfait : je suis en train de me dire que je vais prendre une photo parce qu’avoir Jérémie Beyou derrière moi, ça ne va pas arriver tous les jours. J’ai pris un bon départ, j’ai navigué avec du vent frais et j’ai pu un peu creuser l’écart. Je m’attendais à un dévent au cap Lizard et même s’il a tardé à venir, il est quand même arrivé et j’ai bien fait de passer sous la route. J’avais pour projet de passer au Nord des Scilly et c’est ce que tout le groupe a fait. C’est hyper motivant d’être dans ma position et en même temps, il ne faut pas se laisser griser. J’essaie de me détacher de tout ça et de faire ma propre course sinon je ne vais pas tenir les trois jours. »

Xavier Macaire (Skipper Hérault) : « Nous avons de bonnes conditions de navigation : vent, soleil. Il ne se passe pas grand chose en vitesse. Je suis content de traverser la mer Celtique dans ces conditions : il faut en profiter. Nous avons eu une renverse de courant au passage du DST mais ça s’est équilibré et le reste de la flotte a réussi à repartir. Donc pas vraiment de modification de position sur ce passage là, mais plutôt avant. J’ai fait le choix d’être au Nord. J’ai essayé de faire au plus proche de la route. Pas de perspective particulière sauf se coller à la route car les conditions sont incertaines. Cela va mollir en rapprochant l’Irlande et ce sera incertain. Il faut rester concentré, réactif et être prêt à régler les voiles. On ne sait pas trop dans quel sens ça va basculer, je n’ai pas beaucoup de précision. Je suis dans un groupe de trois bateaux, c’est bien parce que ça permet de se jauger en vitesse, de réadapter le réglage pour trouver une bonne vitesse par rapport aux voisins. »

Thierry Chabagny (Gedimat) : « Ce sont des conditions estivales, avec du beau temps, du soleil, de la belle mer et 12 nœuds de vent. Des conditions plutôt tranquilles avec un vent de travers, donc une route directe plus ou moins vers le but. Après avoir passé les Scilly, en enroulant j’étais derrière : j’ai vu que le premiers tamponnaient dans le courant de l’archipel. En prenant plus large, j’ai évité le gros du courant, et puis j’ai fait exprès de faire une route plus Nord, d’être au vent des premiers, ça m’a permis de revenir. Je n’ai pas doublé de bateaux, mais ils sont moins loin. Je suis en train d’envoyer le spi pour me recaler sur l’axe de la route. C’est un choix pour gagner du terrain sur les petites camarades. Nous avons pas mal d’algues, il faut checker régulièrement les appendices. »

Crédit Photo : Alexis Courcoux

Tags sur NauticNews: Solitaire du Figaro, Trophée Eric Bompard

– CP –

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