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Transat Jacques Vabre : premiers bilans

dscnLe bilan comptable est sévère puisque 38% de la flotte ont déclaré leur abandon ces six derniers jours, mais il faut noter que les causes de ces arrêts sont très diverses puisqu’elles touchent autant des erreurs humaines qu’un manque de préparation, des avaries structurelles et des usures du matériel. Certes les conditions météorologiques ont été dures voire brutales, particulièrement lorsqu’une dépression s’est formée très rapidement sur l’archipel des Açores jeudi, quatre jours après le départ du Havre, en balayant circulairement la flotte jusqu’à l’Irlande. Or la moitié des abandons a eu lieu avant ce troisième coup de vent dont un chavirage (Prince de Bretagne) et une collision avec un container immergé (La French Tech-Rennes Saint Malo).

Les autres avaries ayant entraîné l’arrêt de la course semblent principalement liées à un manque de navigation en amont, à des décollements structurels dus à l’état de la mer et à l’usure de pièces névralgiques tels grand-voile déchirée (Le Bateau des Métiers by Aérocampus), étai (Maître CoQ), démâtage (Spirit of Hungary), rupture d’accastillage (Actual), bord de fuite de quille arraché (SMA), bastaque rompue (Adopteunskipper.net)… Par rapport aux transats précédentes se déroulant à la même période en Atlantique Nord, cette édition se situe donc plutôt en haut de tableau, la moyenne globale tournant autour de 25%. À un an d’échéances au moins aussi élevées, concepteurs, constructeurs, ingénieurs, équipes techniques et coureurs vont pouvoir tirer un bilan plus précis de cette succession d’avaries.

D’îles en archipels

Mais si l’Atlantique Nord s’est depuis nettement apaisé avant un retour à la tourmente en milieu de semaine prochaine, les duos encore en course ne lâchent rien ! Entrés dans le Pot au Noir ce dimanche matin, les deux Ultime bataillent ferme pour trouver le couloir de sortie de cet amalgame nauséeux alternant grains de pluies et calmes prolongés : sur le 7°N, une mince trouée nuageuse semble se dessiner à l’Ouest (vers le 30°W) mais il y a une bonne centaine de milles à parcourir avant d’espérer l’installation d’un flux de sud-est, signe de l’influence des alizés de l’hémisphère Sud… Qui de MACIF (Gabart-Bidegorry) ou de Sodebo Ultim’ (Coville-Nélias) s’extraira le premier de ce pot pourri : nul ne le sait, même pas les navigateurs car la zone est trop aléatoire pour se projeter à plus d’une heure ! Et il restera encore plus de 2 000 milles pour rallier Itajaí.

Les trois leaders IMOCA doivent analyser attentivement ce qui se passe devant leur étrave car par le travers de l’archipel du Cap Vert, ils suivent pour l’instant exactement la trace de leurs deux prédécesseurs : une entrée dans le Pot sur le 30°W. En tous cas, les conditions alizéennes qui règnent sur leur zone confirment que Banque Populaire VIII (Le Cléac’h-Tabarly) s’adjuge un léger bonus de vitesse qu’il faut bien attribuer à ses foils… Car PRB (Riou-Col) et Quéguiner-Leucémie Espoir (Eliès-Dalin) sont les monocoques IMOCA les plus légers de la flotte, ce qui est théoriquement un avantage à cette allure portante sous spinnaker.

Et le podium semble désormais se jouer au sein de ce triumvirat car leurs deux plus proches concurrents, Le Souffle du Nord (Ruyant-Hardy) et Initiatives-Cœur (de Lamotte-Davies) sont relégués à plus de 400 milles soit une journée de mer ! Et ce tandem accumule plus de 120 milles de marge sur leurs poursuivants directs, Bureau Vallée (Burton-Attanasio), MACSF (de Broc-Guillemot), Newrest-Matmut (Amédéo-Péron), Comme un seul homme (Bellion-Goodchild)… À leurs côtés, les trois Multi50 allongent sérieusement la foulée : FenêtréA Prysmian (Le Roux-Pedote) a fait le break et s’est judicieusement décalé vers l’Ouest tandis que Ciela Village (Bouchard-Krauss) pointe désormais vers les îles du Cap Vert pour réparer son enrouleur de gennaker.

Enfin, les Class40 sont tous dans les alizés au large des Canaries et de Madère, à l’exception de Club 103 (Roura-Pêtrès) reparti jeudi après une escale technique à Lorient et navigant au large du cap Finisterre tandis que Creno-Moustache Solidaire (Hector-Launay) est en approche de La Corogne pour réparer sa barre de flèche cassée. En tête depuis mardi soir, Le Conservateur (Bestaven-Brasseur) s’est inexorablement échappé avec plus de 60 milles de marge sur VandB (Sorel-Manuard) et Solidaires en peloton-ARSEP (Vauchel Camus-Erussard) , alors que Carac-Advanced Energies (Duc-Lebas) réalise un superbe début de parcours 130 milles en retrait. Le match est loin d’être terminé puisqu’il y a encore 1 500 milles avant d’atteindre le Pot au Noir qui, d’ici cinq jours, aura eu le temps de changer de forme et d’intensité…

Ils ont dit…

Nandor Fa, skipper de Spirit of Hungary (IMOCA)
« Pour Spirit Of Hungary l’édition de la Transat Jacques Vabre 2015 a été courte : une semaine, 2 heures et 30 minutes après le départ, car à 60 milles au large de Madère, nous avons démâté. Nous naviguions sur un bord tribord, avec un angle de vent de 130°, avec 16-24 nœuds, la grand-voile avec un ris et le gennaker A7. C’était une navigation sympa, rapide et sûre, avec 6-8 mètres de houle venant de nord-ouest. Nous étions assis à l’extérieur avec Peter en train de manger et de discuter. Il y a eu un grand bruit, et de mon siège je pouvais voir la bôme disparaitre de mon champ de vision. Nous nous sommes précipités sur les outils car nous savions que le plus important était de couper tout ce qui était foutu pour sauver le bateau. Peter est venu pour m’aider quand une énorme vague est arrivée et a frappé le bateau. Il est tombé et s’est fait mal à la jambe. Ma vie a basculé en une heure… Cela change beaucoup de choses en vue des mois à venir et même des années ! »

Jean-Pierre Dick, skipper de StMichel-Virbac (IMOCA)
« Aujourd’hui, le bateau même réparé, est trop fragile pour tenter une traversée de l’Atlantique. On n’est pas assuré à 100 % qu’il soit capable de naviguer dans les grains que l’on pourrait rencontrer dans le Pot au Noir ou au niveau du cap Frio au Brésil. La réparation et le renforcement demandent du temps pour que StMichel-Virbac soit apte à repartir en course. Elle doit être durable. Je suis très déçu mais il faut vite se projeter. Avec mes partenaires, nous sommes frustrés de ne pas pouvoir finir la course mais cela fait partie du métier de coureur au large. Ce sont des prototypes de course, il y a une mise au point nécessaire. On savait qu’on avait beaucoup à apprendre avec cette nouvelle génération de bateau foiler. Nous avons deux solutions : participer à la Transat B to B ou rentrer au chantier à Lorient. Nous allons trancher dans les jours à venir. La décision dépend des réparations à effectuer. »

Éric Péron, co skipper de Newrest-Matmut (IMOCA)
« Je me demande si c’est la dernière journée avec les bottes : il y a toujours de l’eau sur le pont mais ça se réchauffe, c’est sympa. Nous sommes avec du vent soutenu, ça va vite, c’est une grande descente de 1 000 milles environ qui nous attend vers le Pot au Noir. Nous avons quelques bricoles à cause de petites inattentions, un petit problème de dérive que l’on va régler dans les prochains jours mais le bateau va bien, on est presque à 100 %. J’ai pu dormir un peu cette nuit, on a pu se reposer chacun notre tour, on est en forme pour réattaquer une journée de bricole et pour faire avancer le bateau. On pense être au Cap Vert dans 35h. »

Bertrand de Broc, skipper de MACSF (IMOCA)
« À bord, ça va, il y a eu des hauts et des bas comme sur tous les bateaux, des petites bricoles à refaire, des chandeliers arrachés avec les vagues donc hier on a commencé à remettre les choses proprement sur le pont. On avance bien sous spi, et avec les chaleurs qui reviennent, ça nous permet de pouvoir enlever les bottes, les cirés. C’est très agréable de descendre vers le Sud, dans deux jours, on est aux îles du Cap Vert. Actuellement, nous avons 22 nœuds de nord-est avec une petite mer, des belles conditions pour descendre : on en profite et on se fait plaisir à la barre. Hier, nous avons vu notre ami Matmut à 5-6 milles dans notre axe derrière, on se tire la bourre avec trois ou quatre bateaux et nous n’avons pas dit notre dernier mot.  »

Thomas Coville, skipper de Sodebo Ultim’ (Ultime)
« Il y a pas encore trop de nuages. C’est une mer d’huile, il y a quelques cumulus au large devant nous. Depuis le début, nous essayons de préserver notre position sauf hier où il y avait un énorme grain qui nous a obligé de revenir vers l’Est et nous avons réussi dans la nuit et la matinée à nous re-décaler dans l’Ouest, ce qui est plutôt bien… C’est à chaque fois la même histoire : il faut avoir du décalage pour faire une différence et on a choisi dès le départ d’être plutôt Ouest. Cette année, je vais avoir fait quatre passages du Pot au Noir, je ne les compte plus, c’est comme les bougies sur le gâteau, à un moment donné, tu arrêtes d’en mettre… »

Positions le 01/11/15 – 17h00

Class40
1 – Le Conservateur
2 – V and B
3 – Solidaires en Peloton ARSEP

Multi50
1 – FenêtréA Prysmian
2 – Ciela Village
3 – Arkema

Imoca
1 – Banque Populaire VIII
2 – PRB
3 – Queguiner – Leucemie Espoir

Ultime
1 – Sodebo Ultim’
2 – Macif
3 – Prince de Bretagne

Crédit Photo : Banque Populaire

Tags sur NauticNews: Transat Jacques Vabre, Class40, Multi50, Imoca

CP-

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