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The Transat Bakerly : chaud aux Açores…

Pendant que les trois trimarans Ultime filent plein gaz sous le soleil alizéen – au point que Sodebo a aligné 673 milles en 24 heures (soit neuf milles de moins que le record : 682.85 milles) -, le reste de la flotte se prépare à un week-end particulièrement dur avec le passage d’une dépression au large des Açores. Presque aucun Multi50 ou monocoque (IMOCA et Class40), ne pourra y déroger. Car si le vent va monter à plus de cinquante nœuds, c’est surtout la mer qui risque d’être démontée avec la bascule brutale de la brise, du Sud-Est au Nord-Ouest !

The Transat bakerly qu’on croyait formatée lors du départ de Plymouth comme une longue glissade vers les Amériques, est en train de se transformer en rude partie de punching-ball avec l’arrivée d’une dépression maousse costo ! Car la perturbation venue de Terre-neuve se mute en tempête printanière de premier choix… Plus de 50 nœuds de vent établi près de son centre, car elle a le mauvais goût de se renforcer après son passage au Nord des Açores.

Il va falloir se positionner, se replacer par rapport au système météo, se préparer à faire le dos rond… Non seulement ranger tout le matériel à bord, mais le saucissonner, pour être sûr qu’une caisse ne va pas traverser l’intérieur… Faire un nouveau check-up des voiles, du gréement, des manœuvres pour ne pas se faire surprendre par un petit détail qui se transforme en grosse galère… Stocker eau douce et barres énergétiques à portée de main, se rincer entièrement avant la douche salée, cumuler du sommeil pour tenir 24 heures au moins en configuration tempête… Les heures qui viennent sont cruciales pour se préparer à ce combat en au moins douze rounds car le gong va résonner dès vendredi soir et son tempo métallique ne va s’étouffer qu’en fin de week-end !

Une tempête printanière au déplacement atypique

La situation est simple : une perturbation s’est formée mercredi sur Terre-Neuve et se déplace rapidement plein Est en se creusant. De 1 008 hPa ce jeudi midi, elle se creuse à 990 hPa vendredi midi en s’étalant de plus en plus sur l’Atlantique, restant collée entre Açores et Portugal jusqu’à mercredi prochain avant de se déliter sur place ! Pas bon du tout à cette époque de l’année, et surtout pas bon du tout pour les Class40 qui n’ont d’autre choix que de la traverser pour rallier New-York…

Pour grappiller un peu de Nord afin d’aborder le système sur sa face la moins hargneuse, Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en peloton-ARSEP) s’est recadré dès la nuit dernière sur la même latitude que Louis Duc (Carac) et Isabelle Joschke (Generali-Horizon Mixité). Un peu plus Nord, le Britannique Phil Sharp (Imerys) a lui aussi incurvé sa route entraînant dans son sillage, Edouard Golbery (Région Normandie), Anna-Maria Renken (Nivea), Robin Marais (Esprit Scout) et le Japonais Hiroshi Kitada (Kiho). Tout le monde déboulait jeudi dans une brise de secteur Nord modérée à près de onze nœuds de moyenne à l’exception d’un seul : Armel Tripon (Black Pepper-Les petits doudous par Moulin Roty) ! Le Nantais s’était démarqué dès la traversée du golfe de Gascogne en allant chercher plus de pression dans le Sud, le long des côtes espagnoles. Désormais, il suit la trace de ses « grands frères » les IMOCA, en piquant sur les Açores. Le solitaire a donc décidé de traverser la dépression au Sud de son centre quand tous les autres Class40 vise à contourner le phénomène par le Nord.

Le point de percussion est capital !

Pour les monocoques IMOCA et le Multi50 Arkema, il faut bien choisir son point d’impact par rapport au centre de la dépression, mais comme celle-ci se déplace rapidement, la zone rouge est virtuellement plus vaste que la réalité. Et les trois leaders IMOCA n’ont pas la même appréciation du phénomène : Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) reste le plus au Nord, à la latitude du cap Finisterre, Vincent Riou (PRB) suit une route parallèle mais à une trentaine de milles plus au Sud, Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) a choisi de percuter un degré plus bas (60 milles). Et plus loin, Paul Meilhat (SMA) a pris la mesure du phénomène, quitte à perdre encore du terrain sur les leaders : il glisse vers le Sud-Ouest afin d’atteindre au minimum la latitude de Lisbonne afin de passer franchement en dessous du centre dépressionnaire, retardant ainsi le moment de la bascule du vent du Sud-Ouest au Nord-Ouest.

Le scénario est totalement différent pour les Muti50 qui se sont étalés sur plus de 600 milles entre Pierre Antoine (Olmix) parti dès Plymouth le long de la loxodromie au Nord, et Gilles Lamiré (French Tech Rennes-Saint Malo) qui suit le sillage d’Yves Le Blévec (Team Actual). Et au milieu Lalou Roucayrol (Arkema) accompagne les monocoques IMOCA vers le futur centre de la dépression, quand Érik Nigon (Vers un monde sans Sida) oblique franchement au Sud-Ouest pour éviter le gros de la baston… Et le paradoxe est que les solitaires le plus Sud et le plus Nord bénéficieront de vents portants (l’un au-dessus de la dépression, l’autre en dessous de l’anticyclone) quand les autres vont devoir affronter des brises contraires et puissantes !

Des distances proches du record

Enfin, le paysage est totalement différent pour les trois Ultime ! Alizés, soleil, chaleur, moiteur, vagues régulières, brise stabilisée : la glissade vers le tropique du Cancer a porté ses fruits… Au point que Thomas Coville (Sodebo) pouvait aligner 673 milles en 24 heures ce jeudi après-midi. À quelques encablures du record de distance détenu par Armel Le Cléac’h lors de son record sur la Route de la Découverte en 2014 (682,85 milles) ! Il faut dire que les conditions sont idéales pour les deux duellistes : brise d’une quinzaine de nœuds de Nord-Nord Est, mer peu agitée.

Mais dans quelques heures, la grande courbe sous l’anticyclone des Açores va imposer beaucoup de manœuvres : le vent tournant à l’Est, il va falloir enchaîner les empannages et ne pas se rater dans le timing au risque de se faire phagocyter par les calmes. Puis le vent va tourner au Sud-Est puis au Sud en suivant la courbure des isobares, ce qui permettra peut-être cette fois d’améliorer le record sur 24 heures… A 2 200 milles de New-York, le final entre Thomas Coville (Sodebo) et François Gabart (Macif) s’annonce très serré !

Paroles de skippers

Jean-Pierre Dick (IMOCA – StMichel-Virbac) : « Il fait beau ce matin, c’est plutôt sympa d’avoir du ciel bleu. Pour l’instant la vie est belle, mais demain, ce sera une autre histoire. Mon option consiste à essayer de ne pas aller dans le centre de la dépression, de rester dans son Sud-Ouest tout en tentant de garder une route optimale. Il s’agit éviter d’avoir le plus gros du vent et de la mer dans la mesure des capacités du bateau et ne pas risquer la course sur un abandon. Demain, le vent va rentrer plus fort. Dans la nuit, vers minuit on devrait avoir de la pluie et les premiers signes annonciateurs. On devrait rester sous l’influence de cette dépression une bonne journée. Aujourd’hui, je vais préparer le bateau pour ça, cela demande du temps. Je suis encore au contact et j’espère pouvoir le rester. En tout cas j’apprends énormément de choses sur The Transat bakerly : c’est positif pour le futur. »

Gilles Lamiré (Multi50 – French Tech Rennes-Saint Malo) : « Les conditions de navigation sont vraiment super sympas. C’est étonnant cette route Sud. Au départ, je ne pensais pas passer par le cap Finisterre, ni aux Acores, ni au Sud des Açores… A tel point que j’ai envoyé mes shorts par container à New-York ! Mais avec des bateaux rapides, on peut compenser la distance en tenant des bonnes moyennes, tout en préservant le matériel. »

François Gabart (Ultime – Macif) : « Je progresse en bordure Sud de l’anticyclone des Açores, les conditions sont plus faciles que les jours précédents, la mer s’est un peu calmée. On était au portant quasiment depuis le départ et c’était assez tonique le long des côtes du Portugal. A présent, on est dans un vent qui va mollir progressivement, on va frôler l’anticyclone dans son Sud. On essaye de tracer notre chemin sans trop rallonger la route, mais sans passer trop près de son centre. On a pas mal manœuvré depuis le départ, je ne sais pas combien d’empannages on a fait : j’ai dû en enchaîner une dizaine depuis le golfe de Gascogne et ce n’est pas facile sur de si gros bateaux. Heureusement, lors des 24 prochaines heures, on devrait rester sur le même bord. Le vent était très instable la nuit dernière avec des bascules de 60-70 degrés. Je suis tombé dans une molle à 5 nœuds que Thomas (Coville) n’a pas dû avoir. Là, j’ai un peu plus de vent que lui, on le voit sur le dernier classement : cela devrait être comme ça pendant encore 24 heures, et devrait me permettre de combler ce que j’ai perdu cette nuit. On verra bien ! »

Classements provisoires, le 5 mai à 16h GMT +1 :

Ultimes

  1. Thomas Coville (Sodebo), à 2 251 milles de l’arrivée
  2. Yves Le Blevec (Actual), à 37 milles
  3. François Gabart (Macif), à 77 milles

IMOCA

  1. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), à 2 263 milles de l’arrivée
  2. Vincent Riou (PRB), à 9 nm
  3. Jean-Pierre Dick (St-Michel Virtbac), à 20 milles

MULTI50

  1. Lalou Roucayrol (Arkema), 2 273 milles de l’arrivée
  2. Gilles Lamiré (French Tech – Rennes St Malo), à 116 milles
  3. Erik Nigon (Vers un monde sans SIDA), à 152 milles

CLASS40

  1. Thibault Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton – ARSEP), à 2484 milles de l’arrivée
  2. Phil Sharp (Phil Sharp Racing), à 17 milles
  3. Armel Tripon (Blackpepper / Les P’tits doudous par Moulin Roty), à 18 milles

Crédit Photo : Lloyd Images

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– CP –

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