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VG2020 : vers un autre monde

Charlie Dalin (Apivia) accentue son avance en tête du 9e Vendée Globe, avec 300 milles d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut) et 370 sur Jean le Cam (Yes We Cam!). Derrière, les chasseurs voient leurs routes en passe de converger tandis qu’ils rejoignent le 40eparallèle Sud, où rugissent la mer et les vents. Le pari de Louis Burton (Bureau Vallée 2), posé sur la table en début de semaine, sera-t-il payant ? 

Sans nourrir particulièrement la culture du secret, Louis Burton vit caché. A terre, il a son antre dans la Bretagne de là-haut, du côté de Saint-Malo, loin du cœur battant de la course au large qui bat entre Lorient et Port-la-Forêt ; loin donc des rendez-vous organisés par les deux grandes écoles fréquentées par une bonne partie des skippers de la classe IMOCA, chez Christian Le Pape, faiseurs de champions du Pôle Finistère Course au large, ou chez Tanguy Leglatin dans la capitale du Morbihan.

Dans son coin aussi, Louis a peaufiné son bateau, Bureau Vallée 2 (l’ex-Banque Populaire avec lequel Armel Le Cléac’h a remporté le Vendée Globe 2016) dans l’antre de l’écurie de course au large qu’il dirige avec son épouse, Servane Escoffier.

Dans son coin enfin, Louis Burton a peaufiné son coup tactique, en assumant la prise de risque. Il a travaillé le franchissement de l’anticyclone de Sainte-Hélène à sa façon. Calé dans le groupe des chasseurs jusqu’à lundi matin, il a plongé plein Sud (avec une rasade d’Ouest), pour partir le premier braconner les conditions de son accélération.

Une belle option pour quels bénéfices ?

Cinq jours plus tard, l’heure de relever les casiers a sonné. S’il est encore pointé à la 8e place, à 550 milles de la tête, il caracole actuellement très au Sud, déjà paré à recevoir le flux de la première dépression qui va propulser les solitaires vers le Cap de Bonne-Espérance, avec une route un poil plus courte que l’escadron positionné dans son Nord.

D’ici dimanche, on saura dans quelle mesure l’effet catapulte, dans lequel le skipper a misé – et dans lequel s’est également engouffrée Sam Davies – aura été payant.

« Il y a eu quelques jours de tricotage dans le petit temps pour jouer cette option un peu différente, résumait-il ce midi dans l’émission Vendée Live. Je voulais anticiper la rotation de l’anticyclone. C’est parti depuis hier soir. J’espère que les jours à venir vont payer et que les places (pour moi, ndlr) vont remonter, pour me faire entrer dans l’Indien en bonne position. Cela aidera encore plus pour le moral, même si tout va bien ».

Le travail n’a pas manqué à bord de Bureau Vallée 2 : pendant la pétole qui a encalminé toute la tête de course pendant quelques heures, Louis a sorti la trousse à outils. « J’en ai profité pour gérer les petits problèmes liés aux quinze premiers jours de course, dont une cloison structurelle à l’avant, que j’ai explosée lors du 2e front. J’ai eu d’autres soucis, dont des choses sur le vérin de quille ».

Paré pour un mois de guerre psychologique ?

Déjà, la vie a changé à bord pour les femmes et hommes de tête. L’air a fraîchi, et le bateau cavale à 29 nœuds dans un flux de Nord. Les 25 degrés et les coups de mou sont déjà de l’histoire ancienne. « Ce break a été bon, parce que les foilers sont invivables dès que ça va vite. On est parti pour trente jours de très grande vitesse, il va falloir réussir à se reposer, ce qui n’est pas évident ; on va se déplacer à quatre pattes, avec des coups de frein intempestifs qui ne sont pas évidents et de l’eau en permanence sur le bateau. Pour ceux qui jouent à l’avant, c’est déjà le début de la bagarre, un vrai combat psychologique durant le mois qui vient, jusqu’au Cap Horn ».

Dans son sillage, Sam Davies (Initiatives-Cœur) se prépare au changement de vie : « C’est parti maintenant, on est sur le tapis roulant ! Je me dis que c’est peut-être la dernière fois que je vois le ciel bleu avant un moment, car dans le Sud, c’est assez rare. Les panneaux solaires chargent à bloc, je vais passer un peu de temps dehors pour emmagasiner de la vitamine D avant le Sud ! ».

Même ambiance chez Kevin Escoffier (PRB), 5e de la flotte sur une route un poil plus conventionnelle : « On va ‘changer de monde’ à partir de demain. On va être en avant du front, il va falloir aller vite pour y rester le plus longtemps possible. Il va falloir savoir où empanner par rapport à ce front pour se placer par rapport à la dépression qui est annoncée pour le 1er décembre. Là, ça va cogner un peu plus, j’ai des vents prévus à plus de 40 nœuds avec de la mer sur les fichiers. J’ai ‘cleané’ le bateau pour me préparer à ce changement de monde, avec les Quarantièmes et l’océan Indien qui se profilent. La prochaine douche ce sera sans doute avec la bouilloire ! »

On (n’)allait (pas) oublier

– Au classement de 15h00, heure française, Charlie Dalin (Apivia) mène la flotte à belle cadence (21,3 nœuds sur les quatre dernières heures). Il compte 300,9 milles d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut), 370 sur Jean le Cam (Yes We Cam!) et 470 sur le groupe mené par Yannick Bestaven (Maître-CoQ IV) qui s’est glissé devant Kevin Escoffier (PRB).

– Ross Daniel a officialisé les nouveaux travaux menés sur HUGO BOSS par Alex Thomson au petit matin. Tandis que la flotte avançait à plus de 15 nœuds, le bateau noir a trottiné à moins de 10 nœuds pendant quelques heures. Au menu, un renforcement des réparations effectuées récemment « afin d’augmenter les facteurs de sécurité avant qu’il n’entre dans l’océan Austral » a précisé le directeur technique d’Alex Thomson.

– Isabelle Joschke a fini les réparations sur le balcon arrière de son MACSF. Il avait été embarqué par le mouvement brutal de l’écoute de son gennaker après qu’une poulie eut cédé.

– Ce matin, Thomas Ruyant (LinkedOut) a coupé son foil endommagé (bâbord).

Ils ont dit

Jean Le Cam, Yes We Cam!

On a eu un peu d’air, on a réussi à se recaler un peu. On continue. On verra à la fin ce que ça donne. La journée va être difficile. L’anticyclone s’évacue, donc c’est plutôt pas mal. La suite, ça va vraiment dépendre des conditions qu’on va avoir. À deux nœuds près, ça peut tout changer. Devant, ils sont mieux positionnés par rapport au vent. Il vaut mieux être chasseur que chassé ! Ils avaient une opportunité derrière aussi, ils l’ont saisie. La situation est comme elle est : j’ai encore du grain à moudre ! Là, on est en bâbord, ensuite il va y avoir un empannage. Les routes vont nous faire aller relativement Sud, c’est sûr. Elles nous amènent proches de la zone d’exclusion. On va passer loin du courant des Aiguilles, on sera loin de tout ça. J’ai passé sept fois le cap de Bonne-Espérance : cinq fois sur le Vendée Globe, une fois sur la Barcelona race, plus une fois avec Tabarly. 

Alan Roura, La Fabrique

Il commence à faire plus frais : c’est petite polaire et couette la nuit car le froid arrive gentiment ! Enfin, c’est un sac de couchage bien dense pour les zones fraîches qui a fait le dernier Vendée Globe avec moi… Parce que je sais que dans le Sud, on a besoin de se réchauffer un peu.

J’ai enfin commencé à obliquer vers la gauche : j’espère pleine balle jusqu’à Bonne-Espérance parce qu’il y a quelques jours encore, on faisait plutôt route vers le Cap Horn ! C’était un peu dur pour le moral, mais maintenant, ça fait du bien de piquer sur l’Afrique du Sud, de faire des milles dans le bon sens. Ces derniers jours, ce n’était pas facile avec des grains et des routes peu productives : c’est positif de repartir vers le Sud-Ouest et de reprendre un peu de vitesse avec des angles plus rapides. Samedi après-midi, on va rentrer un peu plus dans le vif du sujet : ça devrait avancer assez vite dans des conditions un peu plus intenses. On va d’abord se prendre le Nord d’une dépression pour commencer en beauté, et après on va enchaîner assez vite jusqu’à Bonne-Espérance avec du vent soutenu ! Il y a quatre ans, j’y suis allé en mode « aventure » et ce n’était pas le même bateau. Ce n’était pas non plus le même esprit parce que cette fois, j’y vais avec plus de volonté de tirer sur le bateau. Et j’appréhende le Sud comme si c’était la première fois : il faut s’accrocher ! Mais j’adore : il fait jour pendant des heures et des heures, avec des couleurs absolument magnifiques, de longues houles qui poussent le bateau dans des surfs interminables, des tempêtes : c’est un ensemble que j’aime énormément.

CLASSEMENT à 15:00 Heure Française

1. Charlie Dalin, Apivia à 18 580 milles de l’arrivée
2. Thomas Ruyant, LinkedOut à 300,9 milles du leader
3. Jean Le Cam, Yes We Cam! à 370,2 milles du leader
4. Yannick Bestaven, Maître-CoQ IV à 472,5 milles du leader
5. Kevin Escoffier, PRB à 486 milles du leader

Crédit Photo : Stéphane Maillard

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– CP –

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