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VG2020 : Boris Herrmann lâche la bride

A pas mesurés, Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco) a traversé les mers du Sud, sans provoquer la fortune. Le voici, juché sur un bateau qu’il annonce en parfait état de marche, doté de foils de dernière génération, à la troisième place du Vendée Globe derrière Charlie Dalin (Apivia), leader plein d’autorité et Louis Burton (Bureau Vallée 2).

Il y a quatre ans, quand le Vendée Globe avait pris son envol, Boris Herrmann regardait partir son futur bateau, qui s’appelait alors Edmond-de-Rothschild, et qui était piloté par Sébastien Josse. Le navigateur allemand avait déjà jeté son dévolu sur l’IMOCA dessiné par le tandem de génie Verdier-VPLP et que Seb Josse conserva aux avant-postes juste derrière les deux flèches les plus affûtées de cette édition, Armel Le Cléac’h et Alex Thomson… jusqu’à son abandon, en Australie, après qu’une voie d’eau se fut déclarée dans un puits de foil, la dernière et la plus problématique de ces avaries qui avaient volé en escadrille au-dessus de ce beau projet.

Depuis, Team Malizia, l’équipe de Pierre Casiraghi – le neveu du Prince Albert de Monaco – s’est convertie à l’IMOCA et la barre a été confiée à Boris Herrmann. Un peu pour l’amitié qui les lie, beaucoup pour le potentiel sportif du natif de Hambourg, qui ne demandait que le support ad-hoc pour s’exprimer. Depuis, aussi, Malizia a été rebaptisé SeaExplorer – Yacht Club de Monaco, et il a été affublé de nouveaux foils l’hiver dernier, dessinés par VPLP, et légèrement avancés afin de favoriser la précocité de l’envol. C’est donc un bateau dont le pedigree le rapproche des derniers vainqueurs du Vendée Globe (Banque Populaire en 2016, Macif en 2012) et qui, dans cet étonnant Vendée Globe dont la météo malicieuse a mis quasiment à pied d’égalité les bateaux flambants neufs et des IMOCA à dérives droites de l’édition 2008, a les atours du parfait compromis.

Plus vieux, mais valide

Tout ceci pour dire qu’il n’y a que peu de hasard à retrouver Boris Herrmann dans le top 3 de ce Vendée Globe alors que les bateaux ont l’étrave tendue vers le pot au noir. Le skipper, 37 ans, a déjà fait son tour du monde, en Class40, certes, mais il avait déjà une idée de ce qui l’attendait. Le bateau, lui, a été éprouvé par six ans de fiabilisation et, pour l’heure, il a été plutôt épargné par les soucis techniques – pour ce qu’on en sait. C’est bien là le seul des hasards qui ont contribué à l’émergence au premier plan de Boris Herrmann dans ce Vendée Globe. Avec deux foils valides et un plan de voilure a priori préservé, le skipper de Hambourg va faire plus que résister aux skippers juchés sur des IMOCA dernière génération, à savoir Thomas Ruyant (LinkedOut), privé d’un foil bâbord qui lui fait déjà défaut et à Charlie Dalin (Apivia) qui souffre un handicap similaire. Boris n’a pas à rougir non plus de ses performances face au Maître CoQ IV de Yannick Bestaven, époustouflant depuis trois semaines sur l’ex-Safran de Morgan Lagravière, puni par la météo et privé de ses 450 milles d’avance d’il y a cinq jours sans qu’on sache s’il s’agit de justice divine ou de mesquinerie terrienne…

Du challenge dans l’air

Tout ça pour dire que, au classement de 15 heures de ce vendredi 15 janvier, à – allez – onze ou douze jours de l’arrivée à vue de routage anticipé, Boris Herrmann challenge le leader de ce Vendée Globe et son bateau neuf et Louis Burton, monté sur le bateau tenant du titre.

Les trois devraient passer dans cet ordre à hauteur de Recife en début de soirée. Les deux navigateurs français passeront devant ce marqueur non officiel de la course portés par des alizés d’Est de 13 nœuds environ, en tirant bénéfice des courants qui les portent vers l’équateur et en bénéficiant, s’ils étaient amenés à se rapprocher de la côte, des thermiques de l’après-midi. Situé 25 milles dans leur Est, Boris Herrmann aura moins de courant, 0,1 nœud contre 0,4 à 0,6 nœud.

« Nous sommes rentrés dans le sprint final, en mode régate, racontait le skipper de Team Malizia ce jour à son équipe de communication. J’ai les conditions dont je rêvais. Je fais route plein Nord avec un cap à 1°. J’essaie d’utiliser 100% du potentiel du bateau et de mes foils contrairement à Thomas et Charlie, qui ont leurs foils endommagés. Avec 13 nœuds de vent, je marche actuellement à 15,6 nœuds, je suis vraiment super content. On navigue hyper serrés avec les autres. C’est vraiment excitant de jouer autant à un peu moins de 4000 milles nautiques de l’arrivée. Mais le chemin à parcourir est encore long, avec notamment deux étapes décisives : le passage du Pot au Noir et la navigation dans la remontée de l’Atlantique Nord. Cela reste très ouvert, cette fin de course s’annonce très excitante ! ».

Derrière, l’on s’accroche ! Thomas Ruyant est 4e, à 55,3 milles derrière le leader au classement de 15 heures ; Damien Seguin (Groupe APICIL) est 5e sur son bateau de 2008 optimisé, mais toujours équipé de dérives droites. Une performance qui a fait dire à Yoann Richomme, vainqueur de la Solitaire du Figaro, skipper d’un projet Ocean Race (Mirpuri Foundation) et observateur très pointu de ce Vendée Globe que « Damien Seguin est en train de devenir une légende du sport »*… et qu’on ne peut qu’abonder.

Puni de l’Ouest, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) concède de la distance dans les lignes de grains : le voici à 105,3 milles de la tête, qui a touché des alizés plus réguliers en premier. Et, pour l’heure, avec à négocier un Pot au Noir, puis une transition d’avant dépression et l’incertitude qui plane encore sur l’angle de la dépression qui emmènera la flotte vers les Sables-d’Olonne d’ici quelques jours, on peut considérer que Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family), Giancarlo Pedote (Prysmian Group) et Jean Le Cam (Yes We Cam !) – surtout Jean le Cam ! – ne sont pas déconnectés de la course aux places qui comptent !

Bientôt le lever de l’Occitane ?

S’ils sont encore freinés, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) et Clarisse Crémer (Banque Populaire) devraient perdre moins de temps que redouté dans la pétole qui les freine à l’entrée des premiers alizés. Ils partiront peut-être avant que Romain Attanasio (Pure – Best Western), lancé à 14,4 nœuds, ne vienne recoller dans leur tableau arrière.

Derrière le groupe qui « joue » encore avec la zone des glaces (Beyou, Roura, Boissières) ou qui coupe la poire en deux (Pip Hare), Didac Costa (One Planet One Ocean) et Stéphane le Diraison (Time for Oceans) ont tenté leur chance par le détroit de Le Maire, et cela semble leur sourire. Empétolé depuis son passage du Cap Horn cette nuit, Manuel Cousin (Groupe Sétin) attend un coup de vent pour repartir. Du Cap Horn, Miranda Merron (Campagne de France) et Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) ne sont « plus » qu’à un peu plus de 500 milles. Alexia Barrier (TSE – 4myPlanet) se rapproche, elle, du point Nemo, mais pas toute seule : Sam Davies fait route juste devant elle, hors course. Plus loin, Ari Huusela (Stark) avance très nord, et Sébastien Destremau (merci) tente de se dépatouiller de son avalanche de problèmes techniques).

  • (source : imoca.org)

Ils ont dit

Armel Tripon – L’Occitane en Provence

Je trouve que je ne m’en sors pas mal, j’ai toujours avancé, parfois lentement, mais il y avait toujours un petit peu de vent. La sortie n’est plus très loin. Là, je suis dans du vent de Nord-Est, ça devrait mollir et basculer à l’Est. Je serai ensuite du bon côté de l’anticyclone. Il faut s’extraire et faire du Nord, c’est en bonne voie. Ça (les alizés) a l’air plus stable que pour les premiers. L’Atlantique était un des points stratégiques de la course où je savais que je pouvais revenir fort. L’Atlantique Sud n’a pas été très favorable. Il y a eu un petit peu de gain, mais après de la perte. On verra la distance que je prendrai, mais c’est sûr que certains sont éclopés et moi j’ai encore un bateau à 100% donc je sais que je peux attaquer et aller vite. Je ne sais pas encore si j’arriverai à rattraper tout ce retard. J’ai tiré sur le bateau au près et il a bien encaissé les chocs. Il est costaud, je sais que je peux tirer dessus pour finir.

Clarisse Crémer – Banque Populaire X

Je n’ai pas une grosse expérience technique des gros bateaux, je ne suis pas très douée pour monter au mât, ça m’a peut-être demandé plus d’effort que pour les autres concurrents. J’y ai passé la journée et ça n’a pas été évident. Je m’y suis reprise plusieurs fois, j’ai vidé tous les tubes de sika que j’avais à bord et j’ai dépensé beaucoup d’énergie. J’ai l’esprit de compétition, c’est pour ça que j’ai voulu réparer mon J2 pour pouvoir aller le plus vite possible avec mon bateau. Je ne m’attendais pas forcément à être ici en prenant le départ et je suis contente des choix que j’ai fait. Il reste encore un petit peu de route, je ne veux pas trop m’emballer pour garder cette façon de naviguer.

Stéphane Le Diraison – Time For Oceans

Depuis le passage du Cap Horn, qui était un moment exceptionnel, il y a eu 12 heures de décharge émotionnelle. Je sortais du Pacifique et j’avais envie d’être tranquille. J’ai assumé le fait de sous-toiler le bateau, j’ai pris du temps pour moi, pour me reposer, manger, me sécher, ranger l’intérieur du bateau et ça m’a fait le plus grand bien. Ensuite, au niveau des îles des Etats, il était temps de faire un choix concernant l’option que j’allais prendre. A ce moment-là, je me suis dit que j’allais passer à l’Est des Malouines en restant sur un schéma conventionnel, et en me décalant le plus possible vers l’Est. A mi-chemin, avec l’actualisation des fichiers météo, j’ai vu que la dépression qui nous barrait le chemin était quand même costaud. Aller faire du près là-dedans était pour moi une mauvaise idée. J’ai donc changé d’avis, ça m’a couté 50 milles, mais ça m’a permis d’admirer le paysage. Ça tranche avec ces 66 jours de mer où je n’avais rien vu à part l’île Macquarie. C’est sympa et ça donne le sentiment d’être dans l’aventure. Depuis la fin du grand Sud, ce n’est plus la même chose en termes de conditions de mer. C’est désormais un petit peu maniable. Ça me donne l’impression que c’est facile, il n’y a plus ces monstres qui déferlent. Autre point extrêmement positif, c’est que les températures remontent. Ce n’est pas encore les grandes chaleurs, mais je peux me passer du bonnet quand je suis à l’intérieur, je ne suis plus transi de froid quand je sors de mon duvet, c’est vraiment plus sympathique comme conditions de navigation. Et puis forcément en faisant cap au Nord, chaque jour sera un peu mieux que le précédent.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Charlie Dalin, Apivia, à 3 759,92 milles de l’arrivée
  2. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 19,06 milles du leader
  3. Boris Herrmann, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco, à 37,54 milles du leader
  4. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 55,32 milles du leader
  5. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 60,61 milles du leader

Crédit Photo : B.Herrmann

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– CP –

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