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VG2020 : le bonheur des skippers

Mêmes acteurs, mêmes incertitudes et même bataille acharnée. Neuf skippers mènent la course, avec un léger avantage pour deux hommes : Charlie Dalin et Louis Burton. Alors que le second continue une route plus Ouest, les regards sont focalisés sur les fichiers météos. Pour le reste de la flotte, une idée reste en tête : celle d’un plaisir toujours aussi intense à manœuvrer seul à travers les océans depuis 72 jours.

La définition du bonheur des skippers

Il est possible d’enchaîner les milles, d’avoir eu à affronter des dépressions, des coups de vent coriaces, des vagues aux allures de mur et des zones de pétole depuis 72 jours tout en étant profondément heureux. Cette journée au Vendée Globe a débuté avec la voix de Clément Giraud, heureux cap-hornier depuis dimanche. Le marin de Compagnie du Lit / Jiliti, c’est un sourire et une bonne dose d’enthousiasme pour ceux restés à terre : « On est vraiment très chanceux, nous les marins du Vendée Globe, parce que cela fait trois mois qu’on ne parle pas d’argent ! Le mot ‘euro’ a été rayé de notre vocabulaire… Ici, c’est ‘heureux’ le mot le plus employé ! » Une poignée d’heure plus tard, Armel Tripon (L’Occitane en Provence), disait la même chose : « Heureux ? Oui, je le suis toujours. Plusieurs fois par jour, je me dis que j’ai une chance incroyable de faire cette course, que je vis des moments forts, intenses et fabuleux. Et je m’éclate ! ».

L’indécision, le nouvel acte

« La situation n’a pas vraiment évolué depuis hier », sourit Christian Dumard, le météorologue du Vendée Globe. En tête de course, ce sont toujours Charlie Dalin (APIVIA) et Louis Burton (Bureau Vallée 2) qui mènent la danse. Le Malouin d’adoption s’écarte légèrement plus à l’ouest. « C’est une stratégie intéressante, poursuit Christian Dumard. Mais si le timing change, il n’aura pas de marge ». L’intéressé était l’invité du Vendée Live ce midi : « Je vais essayer de capitaliser sur ma sortie rapide du pot-au-noir et jouer ma carte à fond ». Armel Le Cléac’h, vainqueur quatre ans plus tôt, pense de son côté que cinq marins peuvent s’imposer : le duo Dalin-Burton ainsi que Thomas Ruyant, Boris Hermann et Yannick Bestaven. « Il va falloir surtout tenir d’autant que les marins sont fatigués et les bateaux aussi », a ajouté le tenant du titre.

Ce que veut (vraiment) dire le classement

Méfiez-vous du classement ! « Plus ça va aller, plus il va être biaisé », poursuit Christian Dumard. La bataille que se livrent les neuf skippers en tête est tellement acharnée que leurs positions au classement doivent être prises avec des pincettes. En effet, les skippers sont classés d’après leur position par rapport à la distance restante jusqu’à l’arrivée. Or, il est impossible de faire une trajectoire droite jusqu’aux Sables d’Olonne… « Il convient de mesurer la longitude », poursuit le météorologue. Ainsi, si Damien Seguin a repris la 2e place à midi, il reste en position bien moins favorable que Louis Burton, actuellement 5e. En effet, Groupe APICIL pointe à plus de 450 milles d’APIVIA en latéral, contre 230 milles pour Bureau Vallée 2.

Nouveaux passages à l’Équateur

C’est la dernière marque symbolique avant le retour sur terre. Le franchissement de l’Équateur, pour la deuxième fois en moins de trois mois. Cette joie-là, Maxime Sorel l’a ressentie hier soir. Le marin de V and B – Mayenne garde le sourire même s’il se veut prudent : « Il faut que je fasse attention. C’est un bateau qui n’est jamais allé aussi loin ». Le 11e skipper à franchir l’Équateur, c’est Armel Tripon. Passage attendu de L’Occitane en Provence cette nuit. Il savoure déjà : « On va retrouver l’hémisphère nord. La symbolique est forte de retrouver la trace de la descente. On termine cette grande course, même s’il reste plus de 4000 milles à parcourir ! ».

Les machines et les organismes soumis à rude épreuve

Les petits bonheurs du bord et l’exaltation des acteurs du Vendée Globe n’empêchent pas la fatigue. Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family), après une lutte intense dans le pot-au-noir, le confiait à la vacation ce matin : « Physiquement et moralement, je commence à être un peu cramé ». Le marin a en plus dû lutter avec les sargasses qui menacent le bon fonctionnement de son hydrogénérateur. Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle) assurait également avoir « Un hydrogénérateur en chou-fleur ». De son côté, Maxime Sorel (V and B – Mayenne) a expliqué hier « sentir la fatigue de certains boots ». Alors ces derniers jours, il y avait bricolage au programme. « J’ai réparé le système de barre, le pilote, le capteur de barre… ». Enfin, Alan Roura (La Fabrique) pense davantage à se préserver : il écrit « vouloir se reposer au maximum » avant d’affronter les affres du pot-au-noir.

Une discussion princière

Il y avait deux invités de marque ce mardi midi sur le plateau de l’émission Vendée Live en version anglaise : le Prince Albert II de Monaco et Pierre Casiraghi, ami et membre de l’équipe de Seaexplorer – Yacht Club de Monaco. Les deux hommes ont pu échanger avec Boris Herrmann qui fait partie des prétendants à la victoire finale. « Dans la Principauté, nous sommes tous très fiers de ton parcours et nous te soutenons à 100% », s’est enthousiasmé le Prince Albert II de Monaco. Le skipper allemand a conclu la discussion en se disant « Très heureux de faire le plein d’encouragements. Cela me donne beaucoup de courage pour tout donner dans les prochains jours ».

Ils ont dit

Benjamin Dutreux, OMIA – Water Family

J’étais dehors : le pot-au-noir, je n’en vois pas le bout ! Pourtant, à la tombée de la nuit, je commençais à avoir du vent stable avec un ciel qui s’éclaircissait au point de voir les étoiles. Il a fait très chaud avant de rentrer dans le pot, mais depuis c’est beaucoup plus agréable et la pluie a rincé le bateau (qui en avait besoin) et j’ai pu prendre une douche. Physiquement et moralement, je commence à être un peu cramé parce que ça a duré vraiment longtemps ce pot au noir. Quand je pense à tous ceux qui m’ont dit qu’en remontant du Sud, c’était plus facile en cette saison ! Là, on a eu un truc bien costaud et j’ai hâte d’en voir le bout

Alan Roura, La Fabrique

Le gros temps est maintenant derrière, ça me permet de respirer un bon coup et de me concentrer sur la suite du programme. La petite victoire du jour, qui n’est pas si petite que ça quand même : dans 40 milles, je vais croiser mon sillage. J’aurai donc bouclé la boucle et ça, c’est quand même assez dingue. Les deux prochains jours, ça va être arrêt buffet pour tout le monde, comme on dit. J’espère réussir à m’en sortir… Je me repose un maximum, pour être en pleine forme une fois dans la molle !

Arnaud Boissière, La Mie Câline – Artisans Artipôle

Je ne m’attendais pas à avoir une mer aussi forte hier. On a 20, 25 nœuds, c’est plus humain, surtout à l’intérieur du bateau. À l’extérieur, ça mouille pas mal. Et puis demain on va râler parce qu’il n’y aura plus de vent ! Je me suis fait un chocolat. Je suis fâché avec le café, j’en ai tellement renversé… C’est rageant, tu te fais un petit café pour te dire « allez, je me fais une petite pause dans ces conditions » et puis tu le renverses une fois, deux fois… Ça m’a énervé et puis après, ça m’a fait marrer. Quand tu te retrouves dans 25/30 nœuds, le virement de bord, c’est dur quand même, surtout avec la fatigue qui s’accumule…

Miranda Merron, Campagne de France

Une très belle nuit pleine d’étoiles, et ça fait un bon moment que je n’ai pas vu ça. Pas beaucoup de vent et il ne fait pas trop froid. Il ne faut pas baisser la garde pour autant. Mais ça change du Sud. Je suis à 25 milles à l’Est des îles Malouines. Je suis sûre qu’il y a des pubs très accueillants ici. Ça sent la terre humide. C’est extraordinaire ! Mes nièces voudraient savoir si j’ai vu des manchots. Et bien non. Il y en a pourtant aux Malouines : manchot royal, manchot papou, gorfou sauteur et gorfou macaroni !

Clément Giraud, Compagnie du lit – Jiliti

Entre le Cap Horn et les Malouines, je me suis fait engluer par un centre dépressionnaire. Et puis j’ai vu mon premier bateau depuis Rio de Janeiro ! C’était un gros bateau de pêche : j’ai pu discuter en anglais avec le patron, très sympa. Qui était justement sur un plateau, sur une marche où les fonds passent de 800 à 200 mètres. Retour à la civilisation. On est vraiment très chanceux, nous les marins du Vendée Globe, parce que cela fait trois mois qu’on ne parle pas d’argent ! Le mot « euro » a été rayé de notre vocabulaire… Ici, c’est « heureux », le mot le plus employé…

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Charlie Dalin, Apivia, à 2628.2 milles de l’arrivée
  2. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 117.03 milles du leader
  3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 117.44 milles du leader
  4. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 122.09 milles du leader
  5. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 148.5 milles du leader

Crédit Photo : C.Giraud

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– CP –

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