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VG2020 : Chaque jour est un défi

La course autour du monde en solitaire sans escale et sans assistance est un incroyable défi mécanique, physique et mental. C’est ce que sont venus chercher les 33 skippers au départ des Sables d’Olonne le 8 novembre dernier. Des 27 encore en course, en ce 41e jour, aucun ne peut dire qu’il n’a pas encore rencontré de pépin technique. Chaque vacation avec les marins dévoile son lot de bricoles plus ou moins importantes, quel que soit son positionnement sur la flotte. Pilotes automatiques, voiles, safrans, énergie, bouts en tous genres, voies d’eau, un inventaire à la Prévert qui manque de poésie…

Encore un gros coup dur pour le skipper de Bureau Vallée 2, privé de pilote automatique depuis hier soir. Louis Burton, 8e au pointage, qui a prévu de s’abriter le long de l’île Macquarie cette nuit pour monter en tête de mât, doit maintenant barrer H24 son bateau. Une situation invivable même à court terme, le Malouin ne pouvant plus lâcher les commandes de son IMOCA ne serait-ce que pour manger ou dormir. Le pilote de Formule 1, Romain Grosjean, parrain de son bateau, lui a insufflé l’énergie positive ce midi au Vendée Live. Que de difficultés à surmonter pour un homme seul !

Romain Attanasio, 13e, lui, ne pouvait plus, hier, réduire la grand-voile alors qu’il surfait par 25-30 nœuds de vent en avant d’une dépression. 9h de travaux pratiques dont un limage très précis d’une petite pièce du chariot de la voile ont eu raison du pépin. Quand un combat devient une victoire…

Manu Cousin se soucie de son safran qu’il avait pourtant réparé au moment de son entrée dans l’océan Indien. Des fissures viennent d’apparaître, le skipper de Groupe SÉTIN se dit soucieux, mais « tellement heureux d’être toujours en course ».

Stéphane Le Diraison avouait ce matin au bout du fil être monté sur son bout-dehors pour remplacer un bout d’enrouleur cassé qui l’empêchait de rouler sa voile dans le gros temps : « J’ai lancé un cri sauvage après avoir terminé ! Ma plus belle récompense fut ces deux énormes baleines qui sont restées un moment à côté du bateau ». Instant de félicité après la galère.

Que dire d’Isabelle Joschke, dont on dirait un cosmonaute, habillée de trois couches de vêtements pour parer le froid. La skippeuse de MACSF n’a plus que du gasoil pour faire tourner son moteur et recharger ses batteries suite à la casse de l’hydrogénérateur. Charlie Dalin, ce matin, a stoppé sa course durant 1h pour vérifier sa réparation de cale basse de foil. La liste est longue, et elle montre à quel point les compétiteurs puisent au fond d’eux-mêmes pour trouver à chaque problème une solution. Stéphane Le Diraison a toujours les bons mots : « C’est un défi quotidien, faire avancer le bateau, le maintenir, rester en forme physique, garder un mental d’acier pour faire face, c’est une épreuve exceptionnelle, je suis encore en train de changer, je vais vers la sagesse. »

Regroupement devant, tapis roulant derrière

Un anticyclone dans le sud de la Nouvelle-Zélande contraint la tête de flotte à naviguer non loin de la barrière des glaces dans des conditions plutôt légères, mais exigeantes : les variations du vent dictent les empannages. Et cela devrait durer plusieurs jours ! Yannick Bestaven garde les commandes 47 milles devant Charlie Dalin et 131 milles devant Thomas Ruyant. C’est peu. Le groupe de chasseurs, emmené désormais par Boris Herrmann maintient de belles vitesses moyennes en avant d’un front. Les écarts se resserrent au fil des heures. Pour tout le reste de la flotte, ce samedi rime avec accélération. Enfin de quoi rejoindre le Cap Leeuwin en route quasi directe !

La Zone d’Exclusion Antarctique abaissée

Suite aux dernières images satellites radar recueillies par CLS (Collecte Localisation Satellites) qui observe la dérive des glaces, 11 points GPS vont être abaissés au niveau de point Nemo, le point de la planète le plus éloigné de toute terre émergée. Au maximum, ces points GPS sont abaissés de 100 milles, réduisant donc le parcours de 24 410 milles à 24 354 milles désormais. La Direction de course a prévenu toute la flotte bien en amont. La veille des « glaçons » dérivants se fait quotidiennement à l’heure où bientôt toute la flotte naviguera sous les Cinquantièmes hurlants.

Ils ont dit

Yannick Bestaven, Maître CoQ IV

Il fait grand beau, grand soleil, le ciel est bleu azur. Les températures sont remontées, c’est assez bizarre, d’ailleurs, il fait 15 degrés. Je déjeune en terrasse, sous grand gennaker, et c’est top ! J’ai pu nettoyer le bateau et, pour le sommeil, c’est bien : on dort beaucoup mieux dans ces conditions. C’est important de récupérer après cet Indien qui a été dur. Nos bateaux sont violents, ultra-violents, même pour ceux qui ont des dérives droites. Tu es tout le temps contracté, et ça fait du bien de se relâcher un peu. J’ai eu super mal au dos, parce que j’ai bien pris une gamelle par jour dans l’Indien. C’était super violent pour les vertèbres, et j’ai eu des soucis de sciatique pendant un petit moment. Ça va mieux, j’ai récupéré depuis qu’on peut dormir relâché.

Clarisse Cremer, Banque Populaire X

Hier, j’ai dormi, parce que j’étais cramée. Je crois que je suis sensible au fait qu’on ne sache plus très bien quand c’est le matin, avec les décalages de la nuit. Du coup, je mange quand quelque chose me tombe sous la main, mais je ne sais pas trop où j’en suis, c’est un peu le bazar. Je sais que je dors mieux quand il fait nuit, mais si j’ai à empanner, comme hier soir, je ne me prive pas. J’aime bien savoir que je m’accorde une plage de quatre heures pour bien manger et dormir. Là, j’ai du mal à fixer mon planning. Il n’y a rien de grave, au fond, mais je n’avais trop anticipé ce phénomène. La météo est compliquée, je me fais des nœuds au cerveau. Ce n’est pas facile de savoir si je dois ralentir, pour laisser passer le cœur de la dépression qui arrive du Nord, ou si je dois tenter de passer devant. J’attends d’avoir les derniers fichiers météo.

Manu Cousin, Groupe SÉTIN

Je garde un œil sur mon safran et sur l’autre aussi. Ça influe beaucoup sur ma façon de naviguer, car je fais très attention au matériel. Hier, je me suis aperçu que d’autres fissures arrivaient. Il n’y a pas de drame pour l’instant, mais ça me soucie. La réparation que j’ai faite tient, mais il y a en a d’autres à côté et sur l’autre casque. Je suis assez préoccupé et je fais attention. J’ai des idées si ça venait à s’aggraver, mais pour l’instant l’heure est à la prudence et au soin du matériel. Chaque jour amène un nouveau défi. Dès qu’on a l’impression que ça commence à aller mieux, il y en a un autre souci, petit ou grand. Le gros problème à bord est celui sur les safrans, pour le reste, on croise les doigts. Il y a évidemment des petites bricoles comme tout le monde.

Stéphane Le Diraison, Time for Oceans

Avant-hier c’était la triste date de l’anniversaire de mon démâtage qui est restée un souvenir marquant et traumatisant. Dans quelques jours, je passerai dans les parages de mon démâtage. Je suis presque superstitieux, à tout faire pour être épargné cette année. J’ai un peu le sentiment que je reprendrai le Vendée Globe là où je l’avais laissé. C’est un sentiment assez euphorisant, j’ai reconstruit un projet et aujourd’hui me revoilà pour la fin du parcours. Je me suis rendu compte que le traumatisme était plus profond que ce que je voulais admettre. Dès le début du Vendée Globe, c’est revenu. Dès qu’il y avait des conditions fortes et subtiles, il y avait toujours une peur viscérale de casser mon bateau. Ça m’a rendu sans doute trop prudent parfois.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 11 224 milles de l’arrivée
2. Charlie Dalin, Apivia, à 46,98 milles du leader
3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 131,74 milles du leader
4. Boris Herrmann, Seaexplorer – Yacht Club de Monaco, à 343,95 milles du leader
5. Jean Le Cam, Yes We Cam!, à 375,84 milles du leader

Crédit Photo : A.Courcoux

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