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VG2020 : regroupement de flotte en Tasmanie

Dans des schémas qui provoquent naturellement un resserrement de la flotte depuis 24 heures, Thomas Ruyant a joué un coup, qui aurait pu être gagnant, mais la porte s’est refermée. Le skipper de LinkedOut a cédé la 2e place à Charlie Dalin, à 100 milles de Yannick Bestaven, le leader. Le groupe ‘Jean Le Cam’ a repris quasiment 100 milles en 24 heures !

Après des journées tourmentées, des mers croisées et des coups de vent, après des heures d’heurts et d’entrechocs éprouvants dans l’Indien, les skippers en tête de flotte doivent enfin sentir les prémices de l’apaisement leur gagner le corps et l’esprit. Les solitaires n’en sont pas à s’assoupir dans les langueurs du Pacifique, mais ils vont au moins chercher à faire tomber les épaules, à déverrouiller les cervicales et desserrer enfin ces mâchoires tétanisées par l’attente de l’impact d’après.

Il faudra, au cours des vacations vidéo des deux ou trois prochains jours, garder un instant pour plonger nos yeux dans leurs yeux et tenter d’y lire les reflets de leur âme. Puisque de retour du front, leurs esprits auront-ils perdu de leur extrême dureté ? Les cerveaux seront ils tendus vers demain plus que figés par l’instant ? La crainte se sera-t-elle amenuisée ?

Ce qui est sûr, c’est que Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), Charlie Dalin (Apivia) et Thomas Ruyant (LinkedOut) tournent une après l’autre les pages de la partition du trio en Sud majeur posée sur leur pupitre. Parfois ensemble, parfois tout en dissonances, les trois compères récitent une pièce écrite pour tenir l’auditoire en suspens. Hier, par exemple, Thomas Ruyant est monté dans les aigus pour aller jouer sa cadence plus au nord. Sur l’octave d’au-dessus se présentait une option qui, si elle avait fonctionné, aurait fait signer un joli coup au skipper nordiste. Le jeu était d’embarquer à l’arrière d’une dépression pour ensuite exploiter des vents forts de Nord-Ouest… qui se sont effondrés. L’effronté n’a pas insisté et il redescend depuis, progressivement, vers le schéma qui pousse actuellement Yannick Bestaven et Charlie Dalin, le long de la Zone d’Exclusion Antarctique. Pour jouer son coup tactique, le Nordiste devait avoir la conviction que, même s’il devait rebrousser chemin, il ne perdrait pas trop.

Il a perdu, certes, mais pas tant que ça. Le voici 3e, à 139,8 milles du leader, soit 39 milles de retard de plus sur Yannick Bestaven qu’hier à la même heure, et à 92 milles de Charlie Dalin, qui revient comme une balle sur le leader. Poussés par un vent d’une douzaine de nœuds d’Ouest vers la molle qui stagne dans leur Est, les trois compères sont condamnés à voir leurs vitesses baisser radicalement dans les heures à venir, et à ne jouer le deuxième mouvement de cette séquence que sur un tempo mezzo piano. Une pétole à l’Est, un vent qui vient de l’Ouest, voici pourquoi Thomas Ruyant pouvait, l’esprit relativement serein, s’aventurer à tenter un coup. Le troisième mouvement sera plus staccato dès mardi soir lorsqu’une dépression viendra flirter avec leur route. D’ici là, la tête de la course aura eu le temps de jouer mille recalages entre les hautes pressions et la Zone d’Exclusion Antarctique.

Et, pendant ce temps-là…

… Les chasseurs remontent la piste, non plus de l’Indien, mais du Pacifique. Tandis qu’une dépression de Nord-Ouest leur botte le train, Jean Le Cam (4e) et ses compagnons de route n’ont gagné rien de moins que 110 milles en 24 heures, et cette séquence ne devrait se terminer que lorsque Jean Le Cam, Boris Herrmann, Damien Seguin, Benjamin Dutreux et, dans une moindre mesure Louis Burton auront atteint les contreforts de l’anticyclone sous la Nouvelle-Zélande. Le skipper de Bureau Vallée 2 a, en effet, prévu d’aller s’abriter dans le dévent de l’île de Macquarie pour réparer son gréement et récupérer la totalité de ses capacités véliques. Samedi soir, sans doute, il bricolera au calme d’une zone protégée du territoire australien, où l’on ne rigole pas avec les recommandations environnementales – et tant mieux.

Remonter la flotte fait constater que la quasi-totalité de la flotte tire bénéfice du ralentissement du leader, dans des proportions diverses, selon les schémas météo qui règnent sur la zone de navigation de chacun. Pour schématiser, Isabelle Joschke (MACSF) a récupéré 80 milles, Maxime Sorel (V and B – Mayenne) et le groupe qui le suit environ 60. Les performances d’Armel Tripon (- 80 milles), de Stéphane Le Diraison (-100 milles environ) et de Jérémie Beyou (- 90 milles) apparaissent en excroissance. Il ferait presque bon être derrière, finalement…

Ils ont dit

Charlie Dalin (Apivia)

Il y avait une très bonne option à prendre. Je pense que Thomas avait prévu de faire ça avant son envahissement de soute à voile. Il y avait un très bon coup à jouer, mais le timing était serré, et son problème l’a mis hors timing, je pense. Il fallait ne pas traîner parce que la porte se refermait vite. Je comprends parfaitement pourquoi il est là. Si j’avais été sa place sur le plan d‘eau avant son avarie, je pense que j’aurais fait la même chose. J’ai une quinzaine de nœuds de vent, j’avance à 15 nœuds et la mer s’est bien assagie. Si ça pouvait rester comme ça le reste du Pacifique, ça serait parfait. Quelques heures après avoir franchi la frontière entre le Pacifique et l’Indien, tout s’est assagi. C’est étonnant ! Comme s’il y avait une vraie barrière… J’ai une mer vraiment plus facile à gérer. On va passer sous l’île Macquarie et ça fait du bien un peu de lumière et du soleil ! La bonne nouvelle des fichiers du matin, c’est que je suis dans du vent, Thomas (Ruyant) et Yannick (Bestaven) en ont moins. En théorie, je suis en train de faire du gain tout doucement. Le vent ne devrait pas descendre sous les 12-13 nœuds, je ne devrais jamais m’arrêter. Sur le papier, ça a plutôt l’air d’être en ma faveur. 

Isabelle Joschke (MACSF)

J’empile les couches, j’ai très, très froid ! Il y a eu quelques moments où j’ai eu froid depuis que je suis dans le Sud, mais là, depuis le passage du front, vraiment je souffre ! Si je pouvais mettre plus de couches, je le ferais. Là, je porte un collant mérinos et un collant polaire par-dessus. En haut, j’ai une première couche en mérinos, un pull hyper épais en cachemire, une primaloft, un blouson fourré en polaire, deux tours de coup, un bonnet cachemire et polaire. Je ne peux pas mettre le chauffage, je suis en restriction d’énergie car mon hydrogénérateur est cassé. Ma seule source d’énergie, c’est le gasoil, donc je dois l’économiser. Les conditions de navigation sont agréables, mais il y a de la brume. On se croirait en Bretagne, mais avec une température beaucoup moins élevée. Niveau nourriture, c’est franchement génial, je me régale ! C’est surprenant parce que ça fait bientôt six semaines qu’on est en mer et je ne me lasse pas une seconde de ce que j’ai embarqué. Je n’ai pas l’impression de manquer de quoi que ce soit, à part de salades et de trucs très frais. J’ai d’excellents plats déshydratés tout préparés. J’ai des fruits déshydratés, des céréales. J’ai emmené tout un tas de trucs pour faire des petits plats rapides. J’ai cuisiné un risotto et, là, je fais des crèmes dessert. Je m’amuse avec du lait de coco, ce genre de choses. Je trouve ça hyper bon et ça me donne l’impression d’être à la maison !

Romain Attanasio (Pure – Best Western)

J’ai appelé Sam parce qu’elle a mal aux côtes. C’est douloureux, elle me dit. Je ne m’étais pas rendu compte que c’était un si gros problème ; si j’avais su je ne l’aurais pas encouragée à repartir. Elle fait attention, elle prévoit chaque manœuvre. Ça arrive souvent de se casser la gueule, de faire des manœuvres d’urgence quand il y a un grain. C’est un peu embêtant, quand même. J’ai 20 nœuds de vent au portant, en revanche, le vent refuse et, du coup, je suis travers à la mer, le bateau part en surf…, et au bout du surf, il y a une vague de travers qui le fait décoller. Depuis deux heures, j’empannerais bien, par confort, mais pour la performance, ce n’est pas bon. La nuit était facile, j’ai pu dormir, le bateau avançait tout seul sous petit gennaker. La nuit d’avant, j’ai fait deux départs au tas, c’était chaud.

Sébastien Destremau (merci)

Depuis hier 17h, on a un bateau qui navigue avec un pilote automatique, avec un système de barre, pas encore fiabilisé, mais ça navigue, ça fonctionne. On a réussi à remplacer le système de barre et de pilote. On navigue au ralenti pour l’instant mais je suis content d’avoir pu remettre le bateau en route, de ne plus être à la dérive ni en perdition. On va y aller tout doucement sur la route de l’Australie. Tu t’imagines traverser le désert en voiture loin de tout et à un moment donné, tu es dans une descente cabossée avec ton système de direction de la bagnole qui tombe sur la route. Donc tu dois te débrouiller avec ce que tu as. Tu réinventes. C’est l’image que j’ai. Alors, réussir est une victoire…

Ari Huusela (STARK) 

Hier, j’ai reçu deux appels téléphoniques des médias finlandais. À cause de la situation sanitaire, de nombreux sports sont à l’arrêt, il y a donc énormément de sollicitations, ça fait de belles retombées. Il y a beaucoup d’adeptes en Finlande. Presque tout le monde en Finlande connaît le Vendée Globe, maintenant. Tout le monde le suit. On me pose des questions sur le sommeil et l’alimentation. Certains posent de drôles de questions, genre est-ce que j’ai vu la terre ferme après le passage du Cap de Bonne-Espérance ?

CLASSEMENT à 15:00 Heure Française

1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 11 572,3 milles de l’arrivée
2. Charlie Dalin, Apivia, à 47,8 milles du leader
3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 139,78 milles du leader
4. Jean Le Cam, Yes We Cam!, à 348,27 milles du leader
5. Boris Herrmann, Seaexplorer -Yacht Club de Monaco, à 356,85 milles du leader

Crédit Photo : JM Liot

Tags sur NauticNews : Vendée GlobeVG2020

– CP –

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