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VG2020 : 5000 derniers milles sous tension

Depuis l’abandon d’Isabelle Joschke hier soir à 22h23, le 9e Vendée Globe compte 26 concurrents encore en course, 13 en pleine remontée de l’Atlantique Sud, 13 à se languir du Cap Horn dans le Pacifique Sud. Les 20% du parcours restants pour la tête de flotte s’annoncent diablement intenses avec un groupe de chasseurs revenant sur le leader Yannick Bestaven (Maître CoQ IV). « 4-5 concurrents peuvent encore jouer la gagne » analysait Jean-Pierre Dick ce midi, invité au Vendée Live.

Isabelle Joschke en équilibriste sur un MASCF à la quille ballante

« Il y a quelques jours, Isabelle avait eu un problème avec son vérin qui sert à basculer la quille d’un bord sur l’autre et quand il y a un souci sur ce vérin, il y a un système qui permet de bloquer la quille dans l’axe, qu’on appelle communément un “faux vérin”. Ça permet d’avoir la quille pile dans l’axe et le bateau peut continuer à naviguer. C’est ce système qu’Isabelle avait en place depuis quelques jours et qui a cassé hier soir. » explique Alain Gautier, team manager du projet MACSF. Contrainte à l’abandon alors qu’elle réalisait une superbe course, la navigatrice va devoir maintenant s’extirper par le Nord d’une dépression générant une mer forte, rendant sa progression dangereuse. « L’objectif est de passer ces prochaines 24 heures car ça va être long. Il y a 35-40 nœuds de vent avec 5-6 mètres de creux attendus pour la journée complète, ça va être tendu. Depuis hier soir, elle a déjà bien appréhendé son bateau, elle voit comme il fonctionne et elle s’en sort super bien. Il faut donc attendre demain soir pour définir une stratégie pour rejoindre un port de repli. » ajoute l’ancien vainqueur du Vendée Globe (1992/93). Jean-Pierre Dick, qui avait terminé l’édition 2012 sans quille à la quatrième place ajoutait lors de l’émission de la mi-journée ce dimanche : « Isabelle n’a pas le contrôle de sa quille qui est suspendue sur ses axes, la quille est un peu folle. Il y a un ballant permanent dans son bateau. C’était finalement moins gênant dans mon cas, j’avais perdu toute la quille, je devais naviguer autrement certes, c’était compliqué, mais pour Isabelle, c’est presque plus dangereux. »

Un front froid et une régate chaude !

Le chemin vers le fameux « point magique » dixit Jean-Pierre Dick, qui permet de cavaler tribord amures pour remonter l’Atlantique Sud poussé par les alizés de sud-est demande une attention de tous les instants. Pour les cinq premiers, il faut trouver les meilleures transitions entre les petits systèmes météo tout en évitant les zones de calmes. « L’élastique devrait se tendre à nouveau, jusqu’au front froid de Cabo Frio qui se dresse devant nos étraves. Les passages dans ce front froid changent, de modèle en modèle, ce n’est pas évident de trouver la bonne trajectoire. » expliquait Charlie Dalin à la vacation du matin. Car si Yannick Bestaven est reparti depuis quelques heures, il va buter d’ici peu dans ce front froid au large d’Itajaì et tout sera alors à recommencer ! Les milles d’avance de Yannick Bestaven vaudront à ce moment-là de l’or. Même un mince matelas pourrait encore lui donner une opportunité au moment de toucher les alizés qui graduellement se renforceront. Derrière lui, quatre hommes (Dalin, Seguin, Ruyant et Burton) dont le regroupement est quasi certain dans un peu plus de 24h lui mettront une pression d’enfer. D’ici les premières arrivées au Sables d’Olonne aux alentours du 29 janvier, le Vendée Globe va soulever bien des passions…

Le Horn, sinon rien

Demain lundi commencera une belle semaine pour Arnaud Boissières, Alan Roura, Jérémie Beyou et Pip Hare. Les quatre skippers vont successivement doubler le Horn après en avoir bien bavé depuis leur entrée dans le Pacifique Sud. Les conditions sont encore difficiles en approche du cap mythique dans un vent de secteur sud glacial. La météo rugueuse devrait perdurer quasiment jusqu’aux îles Falklands pour ce groupe de 4 IMOCA. Cali, qui double le Horn pour la quatrième fois, le sait bien : « Je ne suis pas mécontent de sortir de ce Pacifique ! Mais je sais que le Horn, c’est une petite porte de sortie, nous sommes encore dans le Sud après le cap, il faut continuer à faire gaffe et rester vigilant. » Plus loin, en 24e position, Alexia Barrier va demain soir affronter un gros « coup de chien » avec des rafales à 60 nœuds. Le Finlandais Ari Huusela devrait rencontrer des vents moins forts grâce à sa trajectoire bien plus nord que la Varoise.

Ils ont dit

Isabelle Joschke, MACSF

Ce n’est pas un dimanche comme les autres à bord de MACSF. Hier, le système de blocage de ma quille s’est cassé et depuis ma quille pendule sous le vent. Il faut que je navigue le plus à plat possible avec un bateau très stable et avec le moins de roulis possible. Actuellement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile car je navigue dans des conditions assez grosses avec une mer forte. Il doit y avoir 5 mètres de houle, entre 7 et 9 Beaufort. C’est un peu les mêmes conditions qu’au passage du Cap Horn. J’ai passé la nuit à étanchéifier le bateau donc j’ai écopé, j’ai pompé et là, j’ai réussi à limiter l’entrée d’eau. Je navigue sous trinquette seule, j’ai affalé ma grand-voile et le bateau avance quand même à plus de 10 nœuds. Maintenant le plus important va être de relier un port et de me mettre moi et le bateau en sécurité. Je suis extrêmement triste de devoir abandonner. Je trouve que le Vendée Globe aura été dur avec moi, mais je suis quand même fière. Fière de mon parcours, fière de ma course, fière d’avoir passé les trois caps et d’avoir montré qu’avec la MACSF, nous étions présents et que l’on pouvait compter sur nous. Et ça, on ne nous l’enlèvera pas.

Charlie Dalin, Apivia

Le vent est allé se coucher avec le soleil, après une belle journée de vitesse hier. La mer était bien rangée. Elle était très peu formée et l’angle était bon : j’ai enfin exprimé le potentiel du bateau, c’était agréable de retrouver des vitesses dignes de lui. Le vent est tombé ce soir, on est un peu dans l’influence d’une petite bulle qui devrait s’évacuer dans la journée en se décalant vers l’Est. J’ai (ce matin) du vent qui n’est pas prévu, cela me permet d’aller à 11 nœuds sur un angle correct, c’est une bonne nouvelle. Yannick (Bestaven) est reparti : il a réussi à se dépêtrer de la bulle qui me gêne actuellement, mais je suis content d’avoir réduit autant l’écart. L’élastique devrait se tendre à nouveau, jusqu’au front froid de Cabo Frio qui se dresse devant nos étraves. Les passages dans ce front froid changent, de modèle en modèle, ce n’est pas évident de trouver la bonne trajectoire.

Giancarlo Pedote, Prysmian Group

Il faut faire attention jusqu’aux Sables d’Olonne. On peut se prendre un bateau de pêche à 10 milles de l’arrivée et tout peut se terminer. Ce qui est arrivé à Isabelle, c’est de la malchance car c’est une pièce mécanique qui a lâché, donc il faut d’un côté avoir de la chance, et d’un autre côté, il ne faut jamais baisser les bras car la moindre baisse d’attention peut entraîner un souci. Je dis toujours qu’on passe du rire aux pleurs en 1 seconde. Il faut toujours rester calme avec les pieds bien ancrés au bateau. Dans le grand Sud, c’était un peu de la survie. Je ne pensais pas à la course, je pensais à ne rien casser. Donc là s’ouvre devant nous une vraie régate avec une mer et des vents plus acceptables, des centres dépressionnaires moins violents et tout cela va permettre de pouvoir faire une course comparable à des courses au départ du golfe de Gascogne. Prysmian Group est presque à 100% de son potentiel, je dois larguer un ris pour repasser sous grand-voile haute, je vais y aller là. Sinon toutes mes voiles sont opérationnelles, je peux encore mettre du charbon dans la locomotive !

Clarisse Crémer, Banque Populaire X

Après mon petit coup de mou d’il y a 2-3 jours, je suis toujours fatiguée, mais j’ai retrouvé le moral. Je pense que c’était passager, j’ai trop attendu le Cap Horn comme une délivrance et une partie de moi devait s’imaginer arriver aux Maldives après le virage, donc j’ai un petit peu déchanté. Ça m’a fait un peu lâcher les nerfs. Ça fait partie du cheminement et maintenant j’arrive beaucoup mieux à profiter de la vie à bord. C’est une belle victoire psychologique sur moi, même si ce n’est pas grand-chose. Je pense bien fort à Isabelle (Joschke), son abandon remet un petit peu tout en perspective, ça met le moral dans les chaussettes, après tout ce qu’elle a accompli ce n’est pas simple. On sait que c’est comme ça que ça marche, mais ce n’est pas facile à accepter. Depuis que j’ai commencé en course au large, j’ai toujours entendu dire que le marin champion est celui qui arrivait à avoir un moral stable. J’ai encore du progrès à faire à ce niveau-là, même si à l’échelle du Vendée Globe, je pense que c’est normal d’avoir des hauts et des bas.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 4883.95 milles de l’arrivée
  2. Charlie Dalin, Apivia, à 224.22 milles du leader
  3. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 276.57 milles du leader
  4. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 308.67 milles du leader
  5. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 345.6 milles du leader

Crédit Photo : Louis Burton

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