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VG2020 : front froid et mal au crâne

Tous les scénarios sont envisageables en ce 64e jour de course au grand large de Rio de Janeiro tant les conditions météo brouillent les pistes pour rejoindre les alizés. Une chose est sûre : les 440 milles d’avance dont disposait Yannick Bestaven le 7 janvier dernier ont fondu comme neige au soleil brésilien. Et le skipper de Maître CoQ IV commence à sentir le danger se rapprocher dans l’Est. À moins de 40 milles, Charlie Dalin, puis Thomas Ruyant, Damien Seguin et Louis Burton pourraient demain matin rejoindre le leader installé aux commandes de la course depuis 17 jours…

À terre, les suppositions vont bon train, les commentaires se déchaînent, les paris sont lancés. En mer, on sait que tout peut arriver et que ce front froid peut être une opportunité à saisir pour les poursuivants de Yannick Bestaven. « Je pense que pour Yannick, qui nous voit revenir sur lui alors qu’il avait beaucoup d’avance, ça doit être dur. Pour nous c’est plus réjouissant. J’ai perdu beaucoup de temps à cause de petits soucis, mais je vais pouvoir recoller. Tout le Vendée Globe a été comme ça, la course est loin d’être finie. » confiait ce matin à la vacation Thomas Ruyant, troisième au pointage.

Le skipper de LinkedOut après trois jours de navigation à l’aveugle, sans données précises de vent, a pu grimper en haut du mât (pour la 5e fois depuis le départ de la course) pour réparer son aérien. Le Nordiste est d’attaque !

Louis Burton est dans le même état, combatif et exalté par sa résurrection dans le haut du classement : « Je regarde les positions des autres, à chercher à savoir comment m’en rapprocher. Je n’ai jamais connu ce plaisir. Je compte les milles qui me séparent de Thomas (Ruyant) et de Damien (Seguin), j’ausculte leur trajectoire… C’est exceptionnel. » exultait le Malouin tout à l’heure à l’autre bout du fil. Yannick Bestaven, dispose certes d’une bonification de 10h15, conserve un tapis de sol de 39 milles, mais derrière lui, la meute a soif et grand faim. Demain matin, il se pourrait qu’un nouveau départ ait lieu.

Affaire sensible

Dans cette configuration de course où un gros regroupement des dix premiers est envisagé, le bluff s’installe. Les skippers n’osent en dire trop sur l’état des voiles, le potentiel général des bateaux. On sait bien sûr qu’Apivia et LinkedOut sont privés de foils bâbord, que les soucis de hook (crochet de tenue de voiles d’avant en haut du mât) ont été légion depuis le départ des Sables d’Olonne, que des voiles ont été réparées.

Mais qu’en est-il réellement de l’état des bateaux et des bonshommes après deux mois de mer ? En vacation, le « Je suis à 100% » revient souvent. Une manière de ne pas donner trop confiance aux camarades de jeu. On ne nous dit pas tout !

Sortis des flammes de l’enfer…

Arnaud Boissières a doublé son quatrième Cap Horn à 12h35 heure française dans un soulagement et une émotion palpables sur la visio en direct de la mer lors du Vendée Live. Le fils adoptif de la ville des Sables d’Olonne avait la mine creusée de fatigue de la rudesse de l’océan Pacifique. 1h30 après, un autre barbu doublait le caillou mythique : Alan Roura sur La Fabrique mettait lui aussi le clignotant à gauche, cap vers la maison. Bientôt ce sera au tour de Jérémie Beyou sur Charal aux alentours de 17h, puis de la Britannique Pip Hare la nuit prochaine. Un Cap Horn libérateur d’angoisses et d’usure.

Stéphane Le Diraison, lui, à 450 milles de la porte de l’Atlantique Sud rayonne, le visage rajeuni de 10 ans en moins de 24h, chantant sur Lily Allen dans une vidéo envoyée du bord : « Je suis enfin sorti de la dépression, j’ai l’impression de sortir des flammes de l’enfer ». Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas sur la grande boucle planétaire en solitaire…

Ils ont dit

Benjamin Dutreux, OMIA-Water Family

Dans le grand Sud, ce qui nous permettait de rester avec les foilers, c’était surtout l’état de la mer. Il y avait souvent beaucoup de mer et donc eux ne pouvaient pas accélérer ce qui nous permettait, en attaquant un petit peu, de rester dans le coup. Ils accélèrent vraiment bien dès que la mer s’aplatit et que les conditions sont un peu serrées au vent. On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais en théorie ils devraient aller plus vite dès qu’on sera dans les alizés. Aujourd’hui, mes ambitions sont toujours les mêmes qu’au début. C’est déjà de finir la course, de continuer à faire une belle trajectoire et de me donner à fond. C’est ce qui me motive depuis le début et ce petit groupe reste ma motivation. J’adore ce côté classement, être à fond, ne rien lâcher sur la vitesse, et ce groupe est super motivant. Mon objectif est de rester accroché à eux et de tout donner.

Louis Burton, Bureau Vallée 2

Il y a plein de choix tactiques à opérer désormais. II y a quand même pas mal d’incertitudes sur ce que nous allons affronter demain soir, ce front froid permanent. Cela peut aussi bien se passer que mal se passer. À l’aller, en l’abordant par le Sud, je l’avais bien négocié. Mais le vent est en pagaille et, derrière, c’est du près jusqu’à ce que ça adonne. Mes foils sont en bon état, et j’ai l’ambition de continuer à remonter doucement et d’arriver à l’entrée du Pot au Noir en étant satisfait du travail fourni. Après les événements que tu t’es tapés dans les eaux de l’Antarctique, tu as l’impression de naviguer dans le golfe du Morbihan… C’est hyper calme, la mer est plate… Ce qui est marrant, c’est que tu n’as pas du tout cette vision de l’Atlantique pendant la descente. Je suis en train de me remettre en mode régate à 100%. Cela fait 24 heures que j’avance pas mal au portant, j’ai trouvé de bonnes vitesses et c’est bien cool. Les conditions me permettent d’être à 100% du potentiel du bateau.

Thomas Ruyant, LinkedOut

Hier, j’ai profité d’avoir moins de vent pour régler mes soucis d’aériens qui sont enfin résolus, ou du moins en partie. Ça fait du bien, car ça faisait 3-4 jours que j’étais un petit peu à l’aveugle, et qu’est-ce que c’est dur de naviguer sans informations de vent ! On navigue beaucoup avec les chiffres sur ces bateaux-là donc quand on navigue plus qu’avec un cap et une vitesse, c’est très compliqué. J’attendais le bon créneau pour monter en tête de mât et faire la réparation. Je n’y croyais pas trop, mais ça marche, j’ai une girouette qui fonctionne à nouveau. J’ai pu faire une bonne nuit, ça faisait longtemps que je n’avais pas pu dormir correctement. Il peut y avoir un petit regroupement qui s’opère, il y a un front froid qui nous barre la route avant de retrouver l’alizé de Nord-Est dans un premier temps, puis de Sud-Est en approche du pot-au-noir. Il y a cette dernière transition avant de retrouver du vent stable donc je suis content d’avoir retrouvé mon aérien pour cette dernière opération météo.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 4 769,22 milles de l’arrivée
  2. Charlie Dalin, Apivia, à 38,24 milles du leader
  3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 101,07 milles du leader
  4. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 106,11 milles du leader
  5. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 143,79 milles du leader

Crédit Photo : T. Ruyant

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