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Transat Jacques Vabre : aucun répit

Entre la mer chaotique le long du Portugal, les grains vicieux et les calmes des alizés perturbés, et l’imprévisible Pot au Noir, les marins n’ont aucun répit. Deux nouvelles ce soir : le Class40 Dunkerque – Planète enfants vient d’annoncer son abandon, PRB (IMOCA) fera escale au Cap Vert cette nuit pour réparer un de ses safrans.

Class40 : De belles remontées !
Chassé-croisé à Cascais : Solidaires en Peloton (Victorien Erussard /Thibaut Vauchel-Camus) est en passe de repartir après avoir réparé ses voiles, tandis que Dunkerque – Planète enfants est arrivé au port (Thomas Ruyant/Bruno Jourdren) dans l’après-midi, une ambulance déjà prête à emmener Bruno à l’hôpital. L’équipage a annoncé son abandon ce soir à la direction de course de la Transat Jacques Vabre.
Alors que la tête de flotte demeure chasse gardée de GDF SUEZ (Sébastien Rogues/Fabien Delahaye) et de Mare (Jorg Riechers/Pierre Brasseur), derrière les équipages ne baissent pas les bras, loin de là ! ERDF – Des pieds et des mains (Damien Seguin/Yoann Richomme) grignote chaque jour quelques milles pour réduire l’écart. Les marins, malgré la grosse mer et le vent toujours soutenu sont contraints de barrer au maximum et de contrôler en permanence les réglages pour ne pas partir au tas. Aujourd’hui, deux palmes des plus belles remontées sont à décerner à Campagne de France (Halvard Mabire et Miranda Merron) et à Phoenix Europe (Louis Duc et Stéphanie Alran) pour avoir respectivement gagné 4 et 2 places au classement ! Et pourtant leurs options étaient radicalement différentes. L’Est a payé pour Phoenix Europe, tandis que pour Campagne de France, aux dires d’Halvard à la vacation, ce sont les heures passées sur le pont et à la barre à maîtriser le spi « dans une mer affreuse » qui leur ont permis d’avaler les milles et doubler les petits camarades.

Multi50 : A quatre mains dans les grains
Plus de 15 nœuds de moyenne sur 24 heures, des pointes à 19 nœuds, ça glisse pour FenêtréA Cardinal (Erwan Le Roux/Yann Eliès) qui pointe ce soir toujours en tête à 94 milles d’Actual (Yves Le Blevec/Yann Eliès). La navigation dans les grains reste toujours aussi stressante, les marins n’ont eu que peu de répit durant cette semaine de course. Il va falloir maintenant doubler les îles du Cap Vert et s’engouffrer dans le Pot au Noir en trouvant la meilleure porte d’entrée… et de sortie. Gilles Lamiré et Andrea Mura (Rennes Métropole/Saint-Malo Agglomération) naviguent à la même latitude que les trois derniers IMOCA, avec une vitesse légèrement supérieure (13 nœuds contre 10 nœuds pour Team Plastique par exemple). Erik Nigon et Samy Villeneuve (Vers Un monde sans Sida) reprennent des couleurs et filent à 15 nœuds à 130 milles de trimaran de Gilles Lamiré.
Des nouvelles d’Arkema – Région Aquitaine : Mayeul Riffet et Lalou Roucayrol ont été récupérés en début d’après-midi par le remorqueur West. Ils font maintenant route vers Lisbonne à 2 nœuds avec le bateau encore retourné (la manœuvre de retournement a échoué à cause de la grosse mer). Une navigation retour qui devrait durer plus de 4 jours.

IMOCA : Navigations en groupes

Alors qu’il caracolait en tête de la flotte des 60 pieds depuis 24 heures, l’équipage de PRB (Vincent Riou/Jean Le Cam) vient d’annoncer son arrêt au Cap Vert cette nuit pour effectuer une réparation sur le safran bâbord. Un pit-stop qui devrait être ultra rapide puisque déjà l’équipe technique est sur place à Sao Vicente. Une escale forcée qui forcément va relancer le jeu déjà bien serré !
En arrière de la flotte, dans le Sud-Ouest des Canaries, Energa (Zbigniew Gutkowski et Maciej Marczewski), Team Plastique (Alessandro di Benedetto/Alberto Monaco) et Initiatives-Cœur (Tanguy de Lamotte/François Damiens) se tiennent en à peine dix milles. Autres inséparables, plus haut dans le classement : Maître CoQ (Jérémie Beyou/Christopher Pratt), Cheminées Poujoulat (Bernard Stamm/Philippe Legros) et Safran (Marc Guillemot et Pascal Bidégorry). Tous trois ont vécu la même infortune en se retrouvant piégés dans des molles que n’aurait pas renié le Pot au Noir. Ce soir, les trois tandems ont six petits milles d’écart et il faut bien zoomer sur la cartographie pour les distinguer. Impossible de lâcher prise dans ces conditions, naviguer à vue incite à une activité accrue sur le pont. Toujours en tête, PRB (Vincent Riou/Jean Le Cam) reste sous la menace de MACIF (François Gabart/Michel Desjoyeaux), à 19 milles. Seuls Bureau Vallée (Louis Burton/Guillaume Le Brec) et Votre Nom Autour du Monde (Bertrand de Broc/Arnaud Boissières) semblent relativement seuls. Et encore, de Broc et Boissières grappillent des milles et se rapprochent petit à petit ! Les bateaux de tête pensent désormais à la meilleure manière d’aborder l’archipel du Cap-Vert : une traversée au milieu des îles ou un passage plus au large ? Les marins ne souhaitent bien entendu rien dévoiler de leurs intentions mais ils ont sûrement leur petite idée sur la question. A suivre…

MOD70 : L’équateur, déjà
Le passage du redouté Pot au noir a bien été négocié par les deux MOD70. Ils n’ont pas tellement souffert des calmes et des grains, même si Sidney Gavignet racontait s’en être pris un « monstrueux » à la vacation ce midi. Mais ça y est, cette zone de convergence intertropicale est désormais dans les tableaux arrières des deux trimarans monotypes. Ils touchent des alizés de Sud-Est et progressent au près vers l’équateur, dont le leader était à environ 80 milles au pointage de 17h. A plus de 20 nœuds de vitesse moyenne, les MOD70 devraient naviguer dans l’hémisphère sud dans la soirée. Sébastien Josse et Charles Caudrelier (Edmond de Rothschild) stabilisent leur avance (environ 80 milles) sur Sidney Gavignet et Damian Foxall (Oman Air – Musandam). Il reste plus de 2000 milles avant l’arrivée mais à l’échelle de ces bolides, Itajaí n’est déjà plus si loin. On parle d’une ETA le 18 ou 19 novembre…

Ils ont dit :

Halvard Mabire, skipper de Campagne de France (Class40) : « Nous sommes bien remontés car la brise au portant correspond bien au bateau, il marche bien dans ces conditions. Après avoir été encalminés au cap Finisterre, le front est arrivé assez violemment. Nous avons donc commencé avec le génois mais nous sommes maintenant sous spi et nous avançons bien. La mer est absolument affreuse, avec des vagues monstrueuses. Nous sommes assez fatigués, mais c’est normal et tous nos concurrents sont dans le même cas je pense. Nous avons hâte de sécher le bateau et les affaires. On se relaie beaucoup à la barre car le pilote est un peu dangereux dans ces conditions. Il y a beaucoup de réglages et de manœuvres. Le vent est en train de mollir, enfin… nous avons 28 nœuds à l’heure où je vous parle, mais la mer est encore très très grosse. Nous avons plus souffert de la mer que du vent ces deux derniers jours. Nous sommes remontés au classement mais il y a encore de la route. C’est un peu frustrant parce qu’avec l’histoire des départs de Roscoff, les écarts actuels étaient courus d’avance. Objectivement, nous ne sommes tous dans la même course, donc c’est un peu rageant…. Rien n’est perdu, la course est longue, mais c’est difficile à encaisser. On espère qu’il y aura des regroupements, mais le passage du cap Finisterre était assez terrible. A bientôt, je retourne au travail ! ».

Denis Van Weynbergh, skipper de Proximedia-Sauvez mon enfant (Class40) : « Ça se passe pas mal à bord ! Nous avons eu des bricoles au début, nous n’étions pas dans le rythme, donc on a un peu galéré sur certaines voiles et du coup on n’était pas trop concentrés pour faire avancer le bateau plus vite. Mais maintenant nous sommes plein pot, c’est parti ! Toute la nuit on a eu une mer assez plate avec de bons surfs, là elle est un peu plus croisée. Nous nous sommes un peu éloignés du Portugal par rapport à d’autres qui ont certainement eu quelques petites casses.Juste avant le début du coup de vent, nous avons fait un joli départ au tas,  quelques bouts ont cassé, mais ça y est c’est réparé ! Nous descendons dans le Sud, ce sera plus clément. On commence à avoir une bonne vitesse donc c’est chouette. Cette nuit, nous étions entre 14-20 nœuds de vitesse sous 30 nœuds de vent. Certains sont partis à l’Ouest d’autre à l’Est, nous on estime qu’on aura plus de vent à l’Ouest. Mais nous verrons d’ici trois jours. »

Christopher Pratt, co-skipper de Maître CoQ (IMOCA) : « Nous sommes entre les Canaries et le Cap Vert avec des alizés faibles et très perturbés. Hier nous sommes tombés avec Safran dans un énorme grain. Un nuage ne nous a pas lâchés, nous n’avions jamais vu ça avec Jérémie (Beyou). Bernard Stamm et Philippe Legros (à bord de Cheminée Poujoulat) ont vécu la même mésaventure la nuit dernière : les trois bateaux sont maintenant à vue ! Cheminée Poujoulat est à 4 milles dans notre Sud et Safran à 4 milles dans notre Nord ! Ces conditions instables sont très exigeantes sur le pont, nous réglons les voiles en permanence, les ajustements sont incessants. Finalement, on ne sera pas trop dépaysé dans le Pot au noir. Le cap et la vitesse de Safran et Cheminées Poujoulat nous obsèdent : on se jauge, on se compare. Naviguer si proches nous aide pour les trajectoires. Si les autres bateaux se prennent un mauvais nuage, on le voit ! Nous ne savons pas encore par où nous allons passer au Cap-Vert, notre trajectoire est très influencée par les grains. Ce sera en tout cas un passage délicat et important qui conditionnera aussi l’entrée dans le Pot au noir. Pas de répit depuis le départ du Havre ? Pour tout vous dire, je me suis enfin lavé et c’est la première fois que je me change : un signe de l’amélioration à venir ! »

Sidney Gavignet, skipper d’Oman Air-Musandam :« Nous venons de prendre un grain monstrueux : on vous enverra des images, ça en vaut la peine. Ça vient tout juste de se passer, je suis trempé, je laisse Damian comme un pauvre Irlandais dehors sous la pluie. Mais ça y est nous voyons le ciel clair devant et le noir derrière, splendide. Ce devait être le dernier grain du Pot au noir puisque nous sommes au près maintenant : l’alizé de Sud-Est. Nous verrons si notre décalage à l’Est par rapport à Edmond de Rothschild jouera en notre faveur. Les derniers jours, avant le Pot au noir ont été incroyables. Finalement, on arrive à s’y faire tout seul sur le pont à 30 nœuds. Nous fonctionnons très bien avec Damian (Foxall), on n’a jamais laissé l’autre tout seul, on dormait sous la capote. Cette nuit, le bateau s’est un peu levé pendant l’un de mes rêves. Je me suis levé en sursaut pour choquer, me suis pris la bastaque et me suis étalé sur le filet devant Damian mort de rire : ce n’était bien qu’un rêve ! On fait la route facilement là, c’est chouette, bien qu’on soit au près. Mais ce n’était pas aussi fun que ça dans le Pot au noir : d’habitude la mer est lisse, là il y avait de la mer. »

Crédit Photo : Jean-Marie Liot/ DPPI/TJV1013

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– CP –

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