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VG2020 : Les premières flèches de l’Indien

LES SABLES D’OLONNE, FRANCE – 4 JUILLET: Le skipper francais Sebastien Simon prend le depart de la Vendee Arctique à bord de l’ Imoca Arkea Paprec, au large des Sables d’Olonne, le 4 Juillet 2020.

La longue partie de surf et de saute-mouton entre les dépressions australes a commencé pour les 15 premiers bateaux de la flotte qui naviguent au portant aux abords du Cap de Bonne-Espérance. Cette incursion dans le Grand Sud n’est pas anodine. Le naufrage de Kévin Escoffier a fait office de sévère avertissement. L’avarie survenue aujourd’hui à bord d’ARKÉA-PAPREC est une autre flèche décochée par l’Indien.

Difficiles réparations pour Sébastien Simon

Les foils, cette révolution technologique permettant aux grands monocoques de 18 mètres de s’affranchir partiellement des lois de l’apesanteur et d’atteindre de hautes vitesses, peuvent aussi devenir leur talon d’Achille.  

Ces appendices qui équipent 17 des 31 bateaux encore en course  – HUGO BOSS, qui se dirige vers Cape Town, n’a pas encore signifié son abandon officiel – « traînent » dans l’eau et sont d’autant plus susceptibles d’heurter un objet flottant. Après Thomas Ruyant le 25 novembre, c’est au tour de Sébastien Simon de déplorer une avarie sur l’un de ses foils, côté tribord. Jusque-là 4ème, après une très belle descente de l’Atlantique Sud, le skipper d’ARKÉA-PAPREC doit mettre la pédale douce et la course entre parenthèses. Vient le temps des réparations qui pourront être très fastidieuses car le puits de foil est également endommagé. Et que Sébastien navigue actuellement dans une zone où le vent de Sud-Ouest dépasse 30 nœuds dans les rafales.

Le pied sur le frein

« Ils ont oublié de damer la piste, c’est un champ de bosses »,  confie Charlie Dalin ce matin pour décrire la surface de son terrain de jeu, dans le Sud-Est de l’Afrique du Sud. Leader depuis maintenant 9 jours, le skipper d’Apivia, avec ses 250 milles d’avance, gère sa progression, un pied sur l’accélérateur, un autre sur le frein.  « Je passe 50% de mon temps à régler le bateau pour aller vite et 50% à le dérégler pour le préserver, pour ralentir. C’est un exercice bizarre ! (…) Sur le papier, on n’avance pas vite. Il y a l’état de la mer, les grains qui s’enchaînent. Tu es obligé de régler tes voiles sur les rafales et non sur le vent moyen. La nuit dernière, j’avais des écarts de 10 nœuds avec les rafales : ce sont des variations importantes. »

La longue partie de surf et d’empannages entre les dépressions australes a commencé pour les 15 premiers bateaux de la flotte  qui naviguent sous l’influence d’un vaste système dépressionnaire. Dans les parages de Bonne-Espérance – ils sont douze, jusqu’à Isabelle Joschke, à avoir franchi sa longitude – les conditions peuvent être corsées, surtout lorsqu’on est positionné dans le Sud, là où les vents et la mer sont les plus forts.

C’est pourtant l’option choisie par Louis Burton qui est allé flirter avec les 45° Sud, à la limite de la Zone d’Exclusion Antarctique. Le skipper de Bureau Vallée 2 a certainement vécu des heures éprouvantes (35/40 nœuds de vent, 6 mètres de creux), le prix à payer pour s’emparer cet après-midi de la 2ème place…

150 à 200 milles dans le Nord de Bureau Vallée 2, les éléments sont moins « rugueux » et c’est sous un ciel bleu parsemé de rares nuages que Thomas Ruyant, 3ème, progressait ce matin.  Même décor lumineux et même vue dégagée sous la casquette de Groupe APICIL où Damien Seguin, 6ème, semblait heureux, galvanisé, aussi, sans doute, par la superbe régate qui anime le peloton des poursuivants.

Il n’empêche, l’entrée dans l’Océan Indien, n’est pas anodine. La mésaventure survenue à PRB a jeté un froid qui se distille dans les esprits et influe sur la façon de naviguer.

Emmanuel Macron en direct avec Le Cam et Escoffier

Le récit du naufrage de Kévin Escoffier et de son sauvetage par Jean Le Cam dans la nuit de lundi à mardi a également marqué les esprits à terre, jusque dans les plus hautes sphères : hier soir, le Président de la République, Emmanuel Macron, a tenu à appeler les deux marins pour prendre de leurs nouvelles et leur souhaiter bonne chance.

Depuis mardi 2h18 du matin, Jean Le Cam navigue donc… en double. Se pose dès lors la question du débarquement de Kévin Escoffier. Le Nivôse, frégate de la Marine Nationale basée à la Réunion et chargée entre autres de la surveillance des pêches, pourrait être mise à contribution pour récupérer le skipper de PRB entre l’archipel des Kerguelen et Crozet.  « Il n’y a pas beaucoup de solutions dans ces contrées, explique Jacques Caraës, le Directeur de Course. Sinon, il faudra peut-être attendre la prochaine terre abordable : la Nouvelle-Zélande ! ».

Ils ont dit

Charlie Dalin, Apivia 

On a une accalmie là, avec un petit rayon de soleil. Par contre, ils ont oublié de damer la piste : c’est un champ de bosses ! Je n’ai que 23/25 nœuds de vent. Je récupère avant la prochaine « prune ». La première s’est bien passée, j’ai eu des rafales jusqu’à 50 nœuds et du vent établi à 42 nœuds sur 10 minutes. La mer était « moins pire’ » que ce que j’imaginais. J’ai eu un peu de mal à dormir à l’approche de la baston mais la nuit dernière, j’ai pu récupérer. Ça va empanner d’ici la fin de journée avec la rotation de vent qui va arriver. Je suis content de ce baptême du feu, que cette première « prune » de l’Indien se soit bien déroulée. Ça va enchaîner les « prunes » la prochaine semaine. Je prends mes marques doucement…

Je passe 50% de mon temps à régler le bateau pour qu’il aille vite et 50% à le dérégler pour le préserver, pour ralentir. C’est un « process » bizarre, je ne suis pas habitué ! Je découvre. Je pense que forcément tout le monde est un peu secoué par la fortune de mer de Kévin (Escoffier), je suis vraiment heureux que ça se termine bien cette histoire. C’était un énorme soulagement pour tout le monde. Indirectement oui, ça a impacté ma manière de naviguer, mais c’est aussi beaucoup lié à l’état de la mer.

Maxime Sorel, V and B – Mayenne

On est entrés dans une deuxième dépression australe : ça a commencé tout doux avec une vingtaine de nœuds, et puis maintenant il y a plutôt 28 nœuds établis… La mer se forme et la nuit dernière, c’était vraiment sympa parce qu’il y avait une houle qui nous arrivait dans le dos. Maintenant, ça devient plus clapoteux mais on aligne encore quinze à seize nœuds de moyenne ! Bon, côté ciel, c’est tout gris : il fait froid, c’est très humide, et avec une trentaine de nœuds de vent, la température ressentie est vraiment basse… Je devrais caler un empannage dans le milieu de la matinée avant de faire de l’Est quasiment jusqu’aux îles Crozet. Normalement, je devrais franchir la longitude du Cap de Bonne-Espérance en début de nuit, plutôt sur le 41°30 Sud après être remonté sur un bord bâbord amures. Cela permet d’éviter les zones délicates ! Mon alimentation a un peu changé : c’est plus gras, plus riche et plus copieux. Même à la table à cartes, on crame des calories ! Il fait tout de même plutôt froid… J’ai l’avantage d’avoir un petit chauffage que je fais tourner une demi-heure avant la nuit et une demi-heure en journée : ça réchauffe l’ambiance dans le bateau ! Et ça fait franchement du bien. Et désormais, je navigue avec les portes fermées, avec même une porte condamnée pour éviter les bouffées d’air froid… Je veux garder un espace à peu près sec quand je rentre trempé du dehors !

Armel Tripon, L’Occitane en Provence 

J’ai le casque anti-bruit parce que ça envoie du lourd : je suis juste devant le front et il faut cavaler pour ne pas se faire « manger » ! Ça devrait tout de même mollir en fin de journée et ensuite, on va garder ce front encore deux jours : ça reste très praticable puisqu’il n’y a que 23 à 25 nœuds de vent. La situation a l’air de s’éclaircir pour que je puisse me glisser sous le Cap de Bonne-Espérance sans trop ralentir : il faut que je maintienne ce rythme dans un petit couloir, tout schuss ! J’espère que je vais faire le break face à mes plus proches concurrents.

Ce sont des conditions idéales, une belle entrée en matière dans les mers du Sud : on peut attaquer et avoir de bonnes moyennes alors que je n’ai pas beaucoup de toile et ça avance vite. Le bateau se comporte très bien, sans forcer, sur des angles assez fermés : ce ne sera pas la même chose après le Cap de Bonne-Espérance où il y aura plus de mer ! Et c’est la première fois que je me retrouve à cavaler devant un front et à le maintenir à distance, même si je sens son « souffle ».

Je ne suis pas encore dans le froid, mais c’est bien humide ! Je suis déjà sur le 41° Sud et j’ai déjà le bonnet : changement de décor par rapport à hier… Dans le Sud, il y a du rythme et des oiseaux… enfin j’espère parce que pour l’instant, je n’ai pas encore vu mon premier albatros.

Clarisse Crémer, Banque Populaire X  

Ce n’est pas anodin d’assister à un naufrage puis un sauvetage. Ça nous remet tous un peu les idées en place. C’est une régate mais ce n’est pas que ça. Depuis Thêta (ndlr : dépression rencontrée par la flotte dans l’Atlantique Nord), j’ai décidé de jouer en mode « un peu moins régate ». Et disons que ça m’a conforté dans cette idée-là. Je découvre le Sud, je n’ai pas envie de faire n’importe quoi. On a tous été très très touchés, on a passé une sale nuit. J’ai pleuré de joie hier matin à l’annonce de la bonne nouvelle, toutes mes émotions mélangées. J’étais hyper soulagée, mais en même temps, c’était tellement bizarre de vivre ça en mer. Je n’ose pas imaginer les copains qui sont allés sur zone. Émotionnellement, ça devait être encore plus compliqué pour eux. Le grand défi du meilleur marin, c’est celui qui a le moral stable. Moi dans une même journée, je suis capable de pleurer de joie et de désespoir ! Mais ça va mieux : je suis mieux dans mes baskets. On est dans un endroit bizarre, on est tout seul, c’est ça l’exercice ! C’est aussi ce qu’on vient chercher.

CLASSEMENT à 18h00 Heure Française

1. Charlie Dalin, Apivia, à 16 915,8 milles de l’arrivée
2. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 232,3 milles du leader
3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 258,5 milles du leader
4. Boris Herrmann, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco à 496,5 milles du leader
5. Sébastien Simon, ARKÉAPAPREC, à 499,4 milles du leader

Crédit Photo : Yvan Zedda / Alea

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– CP –

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